Un blog pour qui la critique positive et l'objectivité ne sont que de vagues concepts sans intérêt

Mon credo se résume à ceci: un minimum d’objectivité pour un maximum de mauvaise foi.
Cinéma, musique, politique, actualité... Mes enquêtes me mènent toujours à la même conclusion: pas grand chose dans notre société ne mérite d'être aimé...
Vous êtes bien sur le blog de "Julien n'aime rien" ; qui me déteste me suive!





samedi 21 mai 2011

SOCIÉTÉ - Le litre de 98 à 14,56 €

Cet article fait directement suite aux deux précédents. Mieux vaut donc les avoir lu avant d'entamer ce dernier épisode. 


Vendredi 9 novembre 2012


- Ça fera 633,28 €, s'il vous plaît. Et comme vous n'êtes certainement pas venu chez nous par hasard, Total offre pour tout plein dépassant les 600 € un cadeau dans ce large éventail de produits de qualité. 


La jeune caissière prisonnière de son box de 3 m² pivote alors de 180° sur sa chaise roulante et me présente d'un geste maladroit un assortiment de chewing-gum, de peaux de chamois et d'autres babioles sans valeur. Résolu à amortir le prix de mon plein, je choisis 2500 paquets de chewing-gum. N'ayant visiblement pas été engagée pour son second degré, l'employée de Total me demande comment je compte régler. J'ouvre mon portefeuille et, excepté un préservatif intacte depuis mes 16 ans, je n'y trouve rien. Je demande si la maison fait crédit. Elle me répond par un coup de fil à la police. 15 minutes plus tard, la GestaPen (la "nouvelle police" selon Madame la Présidente) fait son apparition et contrôle mes papiers.

- Herr Rolland, ça ira pour cette fois. Après tout, fous êtes, selon notre Führerin, un patriote et un frai héros de notre Nation. 
- Oh, Marine, Marine! Toujours dans l'excès. Héros, peut-être, patriote, je ne sais pas. 
- Quoiqu'il en soit, nous defons immobiliser fotre véhicule. La loi ist la loi, Herr Rolland. 
- Bien... Pourrais-je au moins avoir mes chewing-gum avant de partir?


Le policier ignore ma question, tourne les talons tel un militaire et embarque ma fidèle 1007.
Me voilà livré à moi-même et séparé de mon appartement par 15 kilomètres de bitume. J'aperçois alors le conducteur pleurnichard - rencontré dans mon article précédent - payer son plein d'essence à coup de billets de 100 €. Je tends le pouce et lui présente mon plus beau sourire. Il s'arrête. Je lui donne mon adresse. Il me dit que c'est sur son chemin. Je monte à bord de sa Prius et nous débutons ce trajet qui s'annonce bien plus long que je ne le pensais puisque mon nouvel ami roule à 10 km/h. "Economies, Monsieur Rolland, économies...", me dit-il, la voix tremblante. Il ajoute: "J'ai la chimiothérapie de mes deux filles à payer, vous savez. Elles souffrent d'un cancer du RSA au stade terminal". Je compatis à sa douleur. Après tout, j'endure également cette maladie depuis trois mois. Nous quittons la station et, à peine sur la route, l'endroit normalement réservé à l'airbag en face de moi s'ouvre et un morceau de sparadrap vient se coller violemment sur ma bouche. Surpris, je tente de l'enlever mais deux ceintures derrière mes épaules droite et gauche se referment sur mon torse et me privent de tout mouvement. Je tourne la tête vers le conducteur qui, face à ma stupeur, ne peut cacher sa surprise. "Voyons, Monsieur Rolland, vous sortez d'une caverne ou quoi?" Je hoche la tête en signe d’acquiescement. Dérouté, il m'explique qu'une étude de septembre 2011 a révélé que 43% des accidents de la route étaient causés par les passagers du véhicule, et plus particulièrement par les passagers de sexe féminin. L'étude démontre en effet que les passagères sont inutilement bavardes ce qui a pour effet de détourner l'attention du conducteur. C'est pourquoi le sénat a fait voter ces nouvelles mesures préventives. "Je suis désolé Monsieur Rolland, ma Prius n'est pas munie d'une reconnaissance de sexe. Par conséquent, même les passagers mâles sont ligotés et bâillonnés une fois sur la route". Je lui fais comprendre par le regard que je ne lui en veux pas. "Puisque nous ne pouvons discuter, vous permettez que j'assure l'ambiance musicale?". Je hausse les épaules. Il recherche un CD dans une pochette accrochée à son pare-soleil. "En fait, je m'appelle Janus. Enchanté". Janus et sa Prius... Dur... Il glisse un CD dans son lecteur et les enceintes se mettent instantanément à vomir l'horripilante voix de Christophe Maé. Je commence à sérieusement regretter ma captivité ivoirienne. "Un morceau exceptionnel. D'autant plus génial qu'il a été remixé par David Guetta", me hurle Janus par-dessus la gerbe musicale. Mes oreilles se mettent à saigner et comme à mon habitude dans ce genre de situation de crise, je préfère m'évanouir.

Je me réveille, enfin libre de mes mouvements. La nuit est tombée. Je retire le sparadrap de ma bouche, remercie Janus pour le service et quitte le véhicule sur un air de Black Eyed Peas remixé par Bob Sinclar. J’accélère le pas en essuyant le sang qui s'est remis à couler de mes oreilles.

Je ferme à double tour la porte de mon appartement. Au récit de mes aventures avec la 1007 et la GestaPen, comme prévu, je reçois une nouvelle paire de gifles de ma chérie menstruée. L'orage passé, je me dirige à toute vitesse sur mon PC. Que s'est-il passé en un an et demi? J'ai quitté un monde de fous, je retrouve un monde de cinglés. Julien n'aime rien entame son enquête.

La première surprise est de taille: exceptés les très objectifs journaux Le Figaro et France Soir, je découvre que tous les quotidiens, hebdomadaires et mensuels d'information ont fermé leurs portes. Le patron du Parisien est décédé d'un arrêt cardiaque, celui de Libé' mort lors d'un carambolage qui a, par un malencontreux hasard, également coûté la vie à l'ancien Président Nicolas Sarkozy et enfin celui du Canard Enchaîné, mystérieusement retrouvé décapité dans une ruelle parisienne. La GestaPen aurait conclu, pour ces quatre affaires, à une mort accidentelle... Si la police le dit, qui suis-je pour la contredire?

Bref, je me rends sur le site du Figaro. Le 7 décembre 2011, des chercheurs chinois ont partagé les résultats incroyables d'une longue étude faite en Russie, en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis: ce que les producteurs pétroliers de ces pays prenaient pour une réserve d'or noir suffisante pour subvenir aux besoins mondiaux pendant au moins 85 ans s'est révélée être en réalité une boue d'épuration. Cette découverte fait suite à des milliers de plaintes provenant d'automobilistes qui trouvaient que l’échappement de leur voiture émanait une forte odeur d'excréments. Progressivement, les pays développés ont dû faire face à une pollution nouvelle faite de relents nauséabonds proche du purin, selon certains témoignages. Face à ce choc inédit dans l'Histoire, le Président américain Barack Obama déclara, je cite: "Oh merde!". Fin de citation. Le G8, incapable de trouver une explication satisfaisante, demanda à la Chine, productrice d'environ 4% du pétrole mondial, de poursuivre ses recherches pour découvrir les causes de cette catastrophe. Le Président chinois, soulagé que son pétrole ait été déclaré "sain", répondit à cette requête par un très poli doigt d'honneur. A eux trois, la Russie, l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis représentaient 35% de la production mondiale de pétrole.


Le Figaro évoque également ce meeting au cours duquel George W. Bush affirma que la Chine possédait des armes de destruction massive et qu'il était peut-être temps d'amener un peu de liberté "made in America" dans cette "dictature sanguinaire". 4 heures plus tard, nous retrouvons l'ancien Président placé dans un coma artificiel suite à une agression à coup de chaussures.


France Soir, quant à lui, relate la crise financière, économique et sociale cataclysmique qui suivit ces révélations. Le prix du carburant amorça alors son ascension fulgurante, malgré les "efforts héroïques de notre Présidente Marine le Pen pour enrayer la spirale négative" dixit le quotidien.

Je constate que c'est dans les faits divers que l'on prend véritablement conscience de l'ampleur du désastre. Quelques exemples:

Super 98: 6,12€/L

On retrouve un employé de France Telecom pendu à son domicile. A la lecture de sa lettre d'adieu, la GestaPen découvre, contre toute attente, que ce ne sont pas les conditions de travail qui l'ont amenées à mettre fin à ses jours mais plutôt cette manie qu'il avait de systématiquement manquer sa sortie d'autoroute. Au vu du prix de l'essence, cette distraction l'a progressivement ruiné, d'où ce geste désespéré. Les dirigeants de France Télécom déclarent, soulagés: "Ce coup-ci, c'est pas de notre faute!". 

Super 98: 9,58€/L

Une française devant passer un entretien pour un poste de directrice adjointe à New York s'est vu forcer d’hypothéquer sa maison de 250m² afin de pouvoir payer son billet d'avion. Le quotidien précise qu'elle n'a pas eu le poste.

Super 98: 12, 27€/L

Une Renault Twingo est arrêtée sur le périphérique de Bordeaux avec à son bord un conducteur, deux passagers à ses côtés, six sur la banquette arrière et encore deux dans le coffre. "Le gouvernement nous a conseillé le co-voiturage pour amortir les dépenses! Je fais ce qu'on me dit, pardi!", déclara-t-il avant son exécution ordonnée par Madame le Juge Marine le Pen, qui, vous le constaterez, aime porter plusieurs casquettes.

Que dire d'autre sur la situation de notre monde? Que 75% des compagnies aériennes ont fait faillite ; que les compagnies ferroviaires, voyant la concurrence mourir à petit feu, augmentèrent de manière scandaleuse leurs prix ; que Dominique Strauss-Kahn est activement recherché par Interpol depuis sa spectaculaire évasion de septembre dernier ; que Ben Laden nage avec les poissons ; que le taux de chômage ne cesse de croître - et ce, malgré l'expulsion de 73% des étrangers de France -  pour une raison simple: il est devenu trop cher de se rendre à un entretien. Bref, pas grand-chose de réjouissant.

Je referme mon PC et me plonge dans mes pensées. 14,56€ le litre d'essence, l'électricité qui a augmenté de 35% en un an, le gaz de 42%, le loyer, la nourriture pour les chats, un Julien n'aime rien qui souffre d'un cancer du RSA et une copine payée au lance-pierre... L'avenir s'annonce difficile...

En me levant, je me prends à nouveau les pieds dans ma barbe. J'avais presque oublié que je sortais tout juste d'une captivité longue d'un an et demi et qu'il était peut-être temps de me refaire une beauté. Je quitte mon appartement à pas de loup pour éviter de croiser ma compagne lunatique et me rends - à pied évidemment - chez mon coiffeur.

Confortablement assis dans le fauteuil à suspension, je zieute mon reflet dans le miroir en face de moi et constate que je ressemble à s'y méprendre au gros barbu de Harry Potter. Afin de conserver ma santé mentale, je détourne très vite le regard pour me concentrer sur cet étrange personnage qui ne cesse de me fixer depuis mon arrivée dans le salon. Aucun doute là-dessus, je l'ai déjà vu mais impossible de me souvenir où et quand. Je décide de ne pas approfondir mes recherches et de profiter de ma liberté fraîchement retrouvée. Je ferme les yeux et laisse la coiffeuse se battre avec mon inquiétante tignasse et ma barbe de deux ans.

Une fois ma coupe terminée, la coiffeuse me réveille gentiment et m'invite à aller à la caisse. Je jette un rapide coup d'oeil à mon nouveau faciès et réalise que je ressemble toujours au gros barbu de Harry Potter mais sans la barbe. Je règle la note, rejoins l'extérieur et aperçois à nouveau l'étrange personnage du salon, le même petit sourire aux lèvres. Il se lève de son banc, s'approche de moi et entame la conversation: "Bijour, Monsieur Rolland. Vous me reconnaissez?". Je ne le crois pas! C'est Oussama Ben Laden! Ben Laden en Bretagne!

- Je vous croyais mort! 
- Vous savez Monsieur Rolland, il est extrêmement facile de berner les américains. Vous prenez un gars un peu bronzé - même pas un sosie - vous lui mettez une fausse barbe, un turban et vous lui faites dire: "bijour, ji suis Ben Laden, pan, pan, t'es mort" et l'affaire est dans le sac! 
- Incroyable! Sans votre barbe, vous êtes un autre homme. Mais... Comment m'avez-vous trouvé? 
- Notre ami commun Laurent Gbagbo m'a communiqué votre adresse avant que nous nous quittions précipitamment. D'ailleurs, je tenais à vous présenter mes plus plates excuses concernant votre détention. Si je n'avais pas eu les américains au derrière, je serais venu vous libérer.
- Bah... C'est de l'histoire ancienne. Puis-je vous demander ce que vous faites ici? 
- Voilà... C'est un peu gênant, je n'aime pas m'imposer, mais... Voilà, il faut que je me fasse oublier quelques temps, et... Je me demandais si vous pouviez m'offrir l'hospitalité quelques mois. 


Huum... Loger le plus grand terroriste de tous les temps... Huuum...Julien, Julien, comment peux-tu seulement réfléchir à la question?!

- Ça va pas être possible, Monsieur Ben Laden. Vous savez, je vis dans un petit 45m² avec deux chats et une copine. Et puis, si quelqu'un devait me dénoncer, je passerais le reste de ma vie en prison. Que deviendraient mes lecteurs? Et puis, vous mangez pas de porc et moi... Ben moi... Je mange que du porc, 'voyez? A cours d'excuses foireuses, je décide de me couper moi-même la parole. Bref, j'espère que vous me comprenez. 
- Evidemment je payerai un loyer qui peut facilement monter à 500 000 € par mois. 
- Mon appartement se trouve par là, suivez-moi. Laissez-moi porter votre sac de couchage... Si, si, j'insiste.


Ne me jugez pas, chers lecteurs, les temps sont durs dans le futur.

En glissant la clé dans la serrure de mon appartement, je réfléchis à la meilleure façon de présenter ce nouveau co-locataire à ma douce énervée. Oussama me suit de près. Le salon est vide. "Ma chérie? J'ai une surprise en or!". Soudain, j'entends de l'agitation dans la chambre à coucher. J'ouvre la porte. Et là, c'est le choc pour moi et Oussama. Nous découvrons les yeux écarquillés ma futur ex fiancée assise dans le lit, une couverture cachant à peine sa nudité. Au pied du lit, un vieux bonhomme grisonnant se tient debout, lui aussi nu, les mains et la quéquette en l'air en criant: " Je suis innocent, elle est rentrée dans la chambre pour me proposer un Schweppes, j'ai pris ça comme une proposition. Je vous jure, Monsieur Rolland! Sur la tête de tous les français, je suis INNOCENT!". 
Sur ce, Oussama me glisse à l'oreille: "Son braquemart me ferait plutôt penser à une culpabilité avouée... Enfin, je dis ça, je dis rien...". 


Je m'écroule à terre et hurle à la mort.

Je me réveille en sursaut dans un lit d'hôpital parisien. Ma compagne est à mon chevet et me sourit. "Enfin, te re-voilà parmi nous!" Elle m'embrasse. Je demande, paniqué: "On est quel jour? - Le 20 mai - Quelle année? - Bah, 2011, mon chéri - Tu m'as jamais trompé avec DSK, hein, ma chérie? - Repose-toi, tu divagues coco - Cocu? - Coco!". On m'expliqua plus tard qu'une équipe de la Croix Rouge m'avait retrouvé dans le bunker de Laurent Gbagbo et que j'avais profondément dormi pendant plus de deux semaines. Je fus reçu, quelques jours de convalescence plus tard, à l'Elysée par Nicolas Sarkozy qui s'excusa de m'avoir laissé pourrir pendant un an et demi en Côte d'Ivoire. De retour à Lamballe, je sautai dans ma 1007 pour aller faire de l'essence.. Je découvris avec bonheur les tarifs de l'essence: 1€58 le litre de Super 98! Yihaah! Je fis le plein en sifflotant joyeusement et me rendis à la caisse pour régler.
"Ça fera 58 € s'il vous plaît"... Bordel, ça reste quand même vachement cher !

C'était Julien pour Julien n'aime rien, défenseur de la bonne cause dans le monde réel, terroriste et cocu dans ses rêves.