Un blog pour qui la critique positive et l'objectivité ne sont que de vagues concepts sans intérêt

Mon credo se résume à ceci: un minimum d’objectivité pour un maximum de mauvaise foi.
Cinéma, musique, politique, actualité... Mes enquêtes me mènent toujours à la même conclusion: pas grand chose dans notre société ne mérite d'être aimé...
Vous êtes bien sur le blog de "Julien n'aime rien" ; qui me déteste me suive!





samedi 3 septembre 2011

DÉTENTE - Les vacances radioactives de Monsieur Rolland



Monsieur Rolland,

En accord avec la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées - loi votée suite à la canicule de 2003 qui entraîna le décès de plusieurs milliers de personnes isolées -  tout citoyen français doit fournir un jour de travail non rémunéré chaque année. Vous l'aurez compris, initialement, cette loi ne s'applique qu'aux salariés.
Eh bien, bonne nouvelle Monsieur Rolland, ce n'est plus le cas!

Par la présente, nous avons le plaisir de vous informer que les français de votre classe sociale - chômeurs, sans-emploi, clochards... - devront dorénavant mettre la main à la poche.

Dans cette optique, le gouvernement s'octroie cette année le droit de prélever 163,35 € de votre compte en banque. S'il vous venez à l'idée de crier au scandale, prenez le temps de penser aux centaines de vieillards mourants de la chaleur insupportable... mais aussi de la solitude "snif".

Inutile de fermer préventivement votre compte en banque, la somme a été prélevée la nuit dernière.

Je vous prie d'agréer, Monsieur Rolland, l'expression de mes sentiments les plus intéressés.

Le gouvernement


Un scandale! Un foutu scandale! Les mains tremblantes de rage, je mets en boule la lettre du "gouvernement" et la jette à travers la cabine de l'imposant Boeing.
Assis à ma droite, mon père émerge d'un profond sommeil.
Papa - Mauvaise nouvelle?
Julien n'aime rien (JAR) - Une de plus... Je viens d'apprendre que mon maigre budget vient d'être amputé de près de 200 € par solidarité pour les retraités comme toi qui ne sont pas fichus d'allumer la clim' quand le thermomètre explose!
Papa - Comment ça, "comme moi"?

(Pause)

PAPA
Nom complet: Paul Albert Rolland
Surnom: Boubou
Nationalité: Française
Age: 64 ans
Métier: Employé dans l'aviation à la retraite
Aime: - Espionner les voisins
           - Le Campari
N'aime pas: - Etre espionné par les voisins
                    - L'eau minérale

(Fin de la pause)

JAR - C'est une façon de parler, papa.
Mon père tente d'enlever le bandeau qui lui cache la vue mais je l'en empêche d'un geste rapide.
JAR - Pas maintenant.
J’agrippe mon portable et compose le numéro de mon avocat.
JAR - Oui, Robert. Je souhaite porter plainte contre le gouvernement pour extorsion non-consentie, abus de faiblesse et viol bancaire.
Robert - Mais... Ça ne veut rien dire!
JAR  - Exécution! (je raccroche)
Très attentif à ma brève conversation téléphonique, Christophe, mon frère de 4 ans mon aîné, ne peut s'empêcher de ramener sa fraise.
Christophe - Il a raison, ça ne veut rien dire... D'ailleurs pour prouver un viol bancaire devant la cour, il faut avoir retrouvé des traces de sperme sur ta carte bleue.

(Pause)


CHRISTOPHE
Nom complet: Christophe Rolland
Surnom: Chewba
Nationalité: Franco-Luxembourgeoise
Age: 31 ans
Métier: Technical Project Manager chez Siemens
Aime: - Les danoises
            - Les films proche-orientaux composés de plans-séquences fixes de plus de 25 minutes
N'aime pas: - Carla Bruni depuis qu'elle a posé ses valises à l'Elysée
                      - L'énergie sale

(Fin de la pause) 


Je jette un oeil à ma montre à gousset (oui, j'essaie de relancer la mode...) et constate que nous venons de dépasser les 5 heures de vol. Après m'avoir servi un café immonde, l'hôtesse se dirige vers le fond de l'appareil et éteint les lumières de la cabine. Un film débute sur l'écran géant en face de moi. Musique pompière, montage épileptique, acteurs livrés à eux-mêmes, dialogues insipides... Oui, c'est bien Transformers 3 que nous propose aujourd'hui Air France.
Soudain agité dans le siège situé juste derrière le mien, mon second frère, Olivier, de 8 ans mon aîné, se fait à son tour remarquer.
Olivier - Musique lyrique, dialogues audiardiens... Oui! C'est bien Transformers 3!! Oh Julien, s'il te plaît, s'il te plaît, laisse-moi enlever ce foutu bandeau de mes yeux verts!

(Pause)


OLIVIER
Nom complet: Olivier Rolland
Surnom: Yoda
Nationalité: Franco-Luxembourgeoise
Age: 35 ans
Métier: Réception de marchandises à Cargolux (compagnie aérienne de fret)
Aime: - Se persuader qu'il a les yeux verts
           - Les grosses voitures
N'aime pas: - Les gens qui disent que Jack Bauer est un gros facho
                    - Le dicton qui dit: "grosse voiture, petite b..."


(Fin de la pause)

JAR - J'ai dit non! Vous voulez tous gâcher la surprise ou quoi!?
Assise entre Olivier et Christophe, ma mère vient clore le débat.
Maman  - Mon fils... Tu sais que je t'aime... Mais si tu voulais vraiment conserver l'effet de surprise, tu nous aurais mis des boules Quiès en plus des bandeaux.
JAR - Comment ça? Vous voulez dire que vous savez tous où ce vol nous emmène?!
Tous - Ben oui!
Maman - Disons que lorsque le commandant de bord nous a souhaité la "bienvenue dans ce vol à destination de Tokyo", le doute n'était plus trop, TROP permis.
JAR - (silence) Ah...

(Pause) 


MAMAN
Nom complet: Marie-Anne Rolland/Waltzing
Surnom: Marie
Nationalité: Luxembourgeoise
Age: 61 ans
Métier: Infirmière en pédiatrie à la retraite
Aime: - Les grands blacks
           - Officiellement, les allemands
N'aime pas: - le Pape
                    - Officieusement, les allemands

(Fin de la pause) 


Puisque surprise il n'y a plus, j'autorise mes parents et mes deux frères à retirer leur bandeau. Il est temps pour moi de leur expliquer les raisons de cette escapade japonaise. Mais avant cela, il me reste une petite chose à régler... Après tout, tout le monde y a eu le droit...Le temps de trouver le bouton "pause"... Voilà!

(Pause)


JULIEN
Nom complet: Julien Paul Michel Rolland
Surnom: Julien n'aime rien (ou Jaws)
Nationalité: Franco-Luxembourgeoise
Age: 27 ans
Métier: Indéterminé. Ancien otage. Ancien terroriste sous contrat.
(N') aime: - Rien
N'aime pas: - Tout le reste

(Fin de la pause)


Une bonne chose de faite! Assouvissons maintenant  la curiosité de ma famille. Une semaine avant que ce vol Paris-Tokyo ne quitte le tarmac de Charles de Gaulle, je reçus un coup de téléphone impromptu d'Alain Juppé, ministre des affaires étrangères. Très satisfait du rôle majeur que j'ai tenu dans la chute de Laurent Gbagbo, celui-ci me chargea d'une nouvelle mission de la plus haute importance: estimer les retombées économiques réelles du tsunami qui frappa le pays en mars dernier et qui engendra une catastrophe nucléaire sans précédent. Le ministre justifia cette mission en me faisant part de l'inquiétude de Nicolas Sarkozy pour le sort des japonais. Expert ès langue de bois, je compris, après mûres réflexions, que l'objectif du gouvernement français était plutôt de récolter des preuves accablantes attestant que le Japon, seconde puissance économique, ne jouissait plus, depuis la tragédie, du même prestige. Dans un contexte où les Etats-Unis, première puissance économique, viennent tout juste d'assister à un recul historique de leur cote de stabilité financière, la France voit ici une bien belle opportunité de revenir sur le devant de la scène économique internationale.

Dans un premier temps, je refusai la mission. En cause, le traditionnel voyage en famille du mois d'août. Cette année, mes deux frères, mes parents et moi-même nous étions mis d'accord sur Barcelone. Cependant, au vu des faibles risques que comporte cette mission et au caractère dépaysant du Japon en comparaison à l'Espagne, je changeai rapidement d'avis et posai mes conditions. " - J'accepte la mission si ma famille est autorisée à m'accompagner. Je veux cinq places en première classe et un hôtel cinq étoiles - Accordé - Je vous envoie mon rapport dans deux mois - Bonne chance, Monsieur Rolland - La chance!? La chance, Monsieur Juppé, c'est pour l'équipe de France de football, pas pour "Julien n'aime rien"! 


Christophe - Faut-il toujours que tu fasses preuve d'autant de prétention lorsque tu parles à un membre du gouvernement?
JAR - Ma prétention, mon frère, te permets de boire la coupe de champagne que tu tiens en main.
Papa - Mais j'ai pas envie d'aller en Chine, moi! Ça fait cinq mois que l'Espagne est prévu, bordel!
Olivier - C'est le Japon, papa.
Papa - C'est pareil. Dans les deux cas, ils bouffent du riz et jouent à des jeux télés stupides.
JAR - Assimiler un japonais à un chinois c'est un peu comme assimiler un français à un bulgare.
Papa - Non mais, ça va pas la tête?!
Maman - Moi, je suis très heureuse d'aller au Japon.
JAR - Merci maman, je savais que je pouvais te faire confiance.
Maman - Tu crois qu'il y a des grands blacks au Japon?
JAR - Ben... Plutôt des petits jaunes.
L'enthousiasme de ma mère descend visiblement d'un cran.
Papa - Tiens ben, en parlant de petits jaunes...
Mon père appuie sur un bouton au-dessus de sa tête. Sans tarder, une hôtesse fait son apparition.
Papa - Un Ricard, s'il vous plaît.
Olivier - Deux!
Christophe - Je reste au champagne, merci.
Maman - Champagne aussi.
JAR - Bon ben, Ricard.

Rapidement servis, nous trinquons une première fois pour le Japon, une seconde fois pour la première classe, une troisième fois pour l'hôtel cinq étoiles, une quatrième fois pour les cacahuètes commandées par Olivier, une cinquième fois pour le "mal de l'air" de Christophe... Et c'est donc complètement torchés que nous foulons le sol japonais quelques dix heures plus tard. Un rapide calcul me permet de conclure qu'il est 22h58, heure locale. J'informe la joyeuse troupe alcoolisée que le premier ministre japonais, Yoshihiko Noda, nous attend demain matin à 8h pour une interview et qu'il serait donc préférable de rentrer illico à l'hôtel sans passer par la case "visite imbibée de Tokyo". A contre coeur, tout le monde répond positivement à mon conseil.

Deux heures plus tard...


Sans surprise, au lieu d'un bon lit, c'est sur une piste de danse d'une boîte de nuit située à Shinjuku (le quartier chaud de Tokyo) que nous nous retrouvons sans vraiment savoir comment on y est arrivé. D'horribles morceaux de groupes japonais locaux viennent côtoyer des reprises kitchissimes de Claude François (si, si!). Qu'importe, ma mère, mes deux frères et moi montrons aux Tokyoïtes comment se déhanchent des occidentaux en pleine possession de leurs moyens. Mon père, quant à lui, préfère ménager ses pieds gonflés par le vol en surveillant nos affaires, assis sur une chaise.





Je suis réveillé le lendemain par un coup de fil de l'accueil m'informant qu'il est 7h du matin. D'une voix affreusement enrouillée par deux paquets de cigarettes fumées la veille, je réponds "merci" avant de raccrocher. Il me faut cinq longues minutes avant de comprendre où je me trouve et trois autres pour abandonner l'idée de me souvenir de la soirée d'hier. Je me lève d'un immense lit deux-personnes et m'en vais sans plus tarder réveiller les membres de ma famille un par un dans leur chambre respective. 30 minutes plus tard, ce sont cinq mines déconfites qui se retrouvent autour de la table du petit déjeuner du luxueux hôtel New Otani.

Christophe - Quelqu'un se souvient de ce qui s'est passé hier soir?
(Silence)
Maman - Vu les regards que nous lancent les employés de l'hôtel, mieux vaut ne pas s'en souvenir.
Olivier - En tout cas, c'était une bonne soirée!
JAR - On va dire ça...

Le petit déjeuner avalé sans appétit, nous faisons route vers le Sori Kantei, édifice abritant les services du premier ministre japonais. Le paysage qui défile à travers les vitres du taxi est très contrasté. Les gratte-ciels et la multitude de magasins de produits électroniques côtoient de nombreux sanctuaires et temples bouddhistes.
25 minutes de bouchon plus tard, nous sommes accueillis au pied du Sori Kantei par Yoshihiko Noda en personne. Après une interminable séance de courbettes de bienvenue, ma famille et moi prenons place dans le bureau du premier ministre. Ce dernier me demande de patienter quelques minutes avant de commencer l'interview et quitte le bureau.

Christophe - (En applaudissant) Bravo, Monsieur "n'aime rien", le plus grand journaliste des temps modernes!
JAR - Ben quoi?
Christophe - Monsieur pense à tout sauf à recruter un traducteur! Parles-tu le japonais maintenant?
JAR - Non... Mais j'ai ça!

Fier comme un coq, je sors de ma poche les deux oreillettes traductrices que Jack Bauer a oublié de récupérer lors de notre improbable rencontre et qui permettent de comprendre et de me faire comprendre par n'importe qui, quelle que soit sa langue. Sachant très bien d'où provient ces gadgets high-tech, Olivier se met à bouder.

JAR - Ne me dis que tu m'en veux encore pour cette histoire?
Olivier - Tu sais très bien que Jack Bauer est mon héros! Tu as passé 24 heures avec lui et tu n'as même pas pris le temps de lui demander un autographe pour ton grand frère préféré!
Christophe - Quoi?!
JAR - (à Christophe) Arrête, c'est toi mon frère préféré!
Olivier - Quoi?!
JAR - Bon, ça suffit! De toute façon, Jack Bauer est un con!
Olivier - QUOI?!?!
Papa - (à tous) CALMEZ-VOUS OU C'EST MOI QUI VOUS CALME!!!!

Je remercie le ciel de voir le premier ministre faire son retour dans le bureau quelque peu décontenancé par l'ambiance qui règne dans la pièce. D'un geste rassurant, je lui fais comprendre de ne pas s'en faire et de prendre place. Les esprits s’apaisent. Je tends une oreillette à Monsieur Noda et lui demande de l'insérer dans son oreille. Je fais de même avec la mienne. L'interview peut débuter... Enfin presque...

Christophe - Voilà, ton enquête commence et nous, nous devenons des figurants, c'est bien ça?
JAR - Non, j'attendais juste de voir lequel d'entre vous serait le premier à râler et je ne suis pas déçu.
Je sors de ma poche quatre oreillettes traductrices et les tends aux membres de ma famille.
Olivier - Je pensais que Jack Bauer t'en avait laissé que deux. Où as-tu trouvé les quatre autres?
JAR - C'est ça la magie des enquêtes de "Julien n'aime rien": si aucune explication crédible ne peut justifier une grossière invraisemblance dans mon scénario, je passe outre et je fais comme si de rien n'était!
Maman - Malin, mon fils!
JAR - Merci, maman. Bon, maintenant, mettez vos oreillettes et soyez sages!

Je me tourne à nouveau vers le premier ministre.

JAR - Monsieur Yoshihiko Noda - ou, si vous permettez que je vous appelle de la sorte, Yoshi -, comment expliquez-vous que...
J'aperçois les sourcils du premier ministre se froncer d'une inquiétante manière.
Noda - Premier affront! Vous commencez fort, Monsieur Rolland
JAR - Comment ça?
Noda - Je considère le manque de respect comme un affront inadmissible. Se permettre de massacrer mon prénom est une insulte pour mes ancêtres.
Mes deux frères se mettent à discrètement m'applaudir pour ma splendide boulette.
JAR - (Affreusement gêné) Je vous prie de m'excuser, Monsieur le premier ministre du Japon Yoshihiko Noda.
Noda - Heureusement pour vous, je jouis d'une grande tolérance à l'affront. Autrement dit et pour illustrer mon propos par un exemple adapté à votre niveau, les affronts envers ma personne sont comparables à des vies dans Super Mario Bros. Vous venez de perdre une vie, il ne vous en reste plus que trois.
Olivier - (Très fière de sa feinte à venir) Vivement le niveau bonus pour gagner une nouvelle vie!
Les sourcils du premier ministre se froncent à nouveau.
Noda - Second affront!
Je lance un regard noir à mon imbécile de frère.
Olivier - (A moi) Pardon, je me tais.
Je tente de reprendre le contrôle de l'interview.
JAR - Monsieur Yoshihiko Noda, expliquez-nous comment le Japon s'est relevé de la terrible catastrophe du 11 mars dernier?
Noda - Sachez, Monsieur Rolland, que le Japon n'a pas eu besoin de se relever puisque jamais elle n'a chu.
Maman - (En prétextant un cheveu sur la langue) Chu quoi?
Pour la troisième fois en moins de 45 secondes, mon interlocuteur fronce les sourcils.
Noda - Affront numéro 3!!
Je tente par le pouvoir de mon regard le plus menaçant de calmer ma famille hilare par la réflexion de ma mère.
JAR - Veuillez les excuser. Reprenons notre interview, je vous prie.
Le premier ministre acquiesce sans conviction.
JAR - On a beaucoup évoqué la manipulation des médias japonais pour minimiser les risques réelles de la menace nucléaire. Quel est votre point de vue sur cette polémique?
Noda - Balivernes! Nos médias sont indépendants, Monsieur Rolland, contrairement aux vôtres!
JAR - (Surpris) Parce que vous pensez que nos médias sont contrôlés par le pouvoir?!
Noda - Bien sûr! Souvenez-vous de cette interview de Nicolas Sarkozy réalisée, entre autre, par Michel Denisot. J'ai rarement vu une brosse à reluire aussi efficace que ce journaliste de seconde zone. Votre président n'avait plus qu'à ouvrir sa braguette pour que Denisot aille sous le bureau finir le travail!
JAR - Bien... Heu... Revenons au Japon, je vous prie...
Noda - La vérité fait mal, n'est ce pas Monsieur Rolland?
JAR - Au-delà des pertes humaines dramatiques, votre pays a souffert économiquement du tsunami.
Noda - C'est pourquoi nous avons solliciter la participation du peuple pour relancer l'économie dans les plus brefs délais.
JAR - De quelle manière?
Noda -  Avant la catastrophe, le japonais moyen travaillait 13 heures par jour. Nous lui avons demandé de travailler deux fois plus pendant 6 mois.
JAR - Hum... Vous voulez dire que les japonais travaillent 26 heures par jour?! C'est impossible!
Noda - Impossible n'est pas japonais, Monsieur Rolland!
JAR - Bon... Si tout semble parfaitement fonctionner dans votre pays, comment expliquez-vous la récente démission de votre prédécesseur, Naoto Kan? Les médias évoquent ses hésitations et maladresses dans la gestion de la crise.
Noda - Je ne vois pas de quoi vous parlez...
JAR - Enfin, Monsieur Noda! Pourquoi nier? Tout le monde est au courant!
Noda - Attention, Monsieur Rolland! Vous êtes à un affront de l'expulsion manu militari de mes quartiers! Je vous dis que je ne sais pas de quoi vous parlez et ma parole est d'or!
Papa - (Chuchotant) Il ment!
JAR - (A mon père) Oui, merci papa, j'avais remarqué! (Au ministre) Bref... Pensez-vous qu'un pays comme la France pourrait se relever d'une catastrophe semblable à celle qui a touché votre pays.
Noda se met à rire. Ma mère le rejoint dans son hilarité.
JAR - Maman, pourquoi tu rigoles?
Maman - J'essaie de te faire gagner une vie, Julien!
Noda reprend.
Noda - Laissez-moi reformuler la question, si vous le permettez: "Est ce que je pense qu'un pays de feignasses grévistes qui bossent à peine 35 heures par semaine et qui se permettent pourtant de râler sur un recul de l'âge légal de la retraite (il reprend sa respiration), pourrait se relever d'une telle catastrophe?" Très drôle, Monsieur Rolland!
JAR - Hum... Vous marquez un point, là... En ce qui concerne Fukushima et sa centrale nucléaire endommagée, la situation est-elle sous contrôle? Où en est la radioactivité de la zone?
Noda - La situation est totalement sous contrôle et la radioactivité tellement basse que le gouvernement envisage la construction d'un Disney World à Fukushima.
JAR - Ah...
Je jette un oeil à mes fiches. Je réservais encore de nombreuses questions au premier ministre mais au vu de la mauvaise foi du bonhomme, je choisis finalement de conclure l'entretien.
JAR - Merci Monsieur le premier ministre, ce sera tout.
Alors que je me m'apprête à quitter mon siège, mon père se penche vers moi.
Papa - Tu as tout ce qu'il te faut?
JAR - Ben oui, papa, je viens de le dire.
Papa - Très bien! (Il s'adresse au premier ministre) Eh Yoshi! D'après toi, qui a la plus petite quéquette? Le chinois ou le japonais?
Sans surprise, les sourcils du premier ministre se froncent de manière surréalistes.
JAR - (Paniqué et en pointant du doigt mon père) Ne l'écoutez pas, il est bulgare!!
Papa - Non mais, ça va pas la tête! Je suis français, Monsieur, FRANÇAIS! Et nous ne sommes pas des FEIGNASSES GRÉVISTES!!

Trois minutes plus tard, nous sommes - comme promis - expédiés manu militari à l'extérieur du Sori Kantei par trois vigiles sumos. Je me tourne directement vers mon père.

JAR - Non mais, qu'est ce qui t'as pris?!
Papa - Je trouvais ça plus drôle de terminer par un affront!
JAR - (Après une courte réflexion) Moui, c'est pas faux!
Christophe - Et même pas deux affronts! (Il sort de sa poche un bic en or) Regardez ce que je lui ai chouré avant que l'on se fasse virer!
Olivier - Voire par trois affronts!
Maman - Et pourquoi pas quatre?!
Mon frère sort de sa poche un DVD d'une édition japonaise de The Rock  et ma mère, un petit Swarovski en forme de panda.
JAR - Non, mais vous n'avez pas honte! (Je mets à mon tour ma main dans ma poche et en sors une boîte de cigares cubains volés sur le bureau du premier ministre) Vous ne pensez vraiment qu'à vous!

Je tends quatre cigares à mes compagnons cleptomanes avant de nous éloigner en vitesse du Sori Kantei. 
Entourés d'une agréable vapeur de havane, nous flânons dans une rue commerçante du centre de Tokyo. Finalement peu avancé par l'interview foireuse du premier ministre, j'explique à ma famille qu'une escapade à Fukushima se révèle indispensable pour compléter mon rapport. A cette annonce, les cernes déjà très inquiétantes situées sous les yeux de mon père se mutent en quelque chose ressemblant fortement à des  pneus. Au soulagement général, je propose alors de nous accorder quelques jours de repos avant de continuer notre mission. Ce planning vierge nous permettra par la même occasion de passer en mode "touristes français qui ne laissent jamais de pourboire et qui, pour couronner le temps, passent leur temps à râler".

Trois jours plus tard...


Non sans difficultés, je réussis finalement à organiser une rencontre avec le responsable de la centrale nucléaire. Peu emballée à l'idée d'un largage parachute au-dessus de la petite ville japonaise, ma famille me convainc de louer une Mitsubishi pour nous rendre sur les lieux. Une fois sur la route, Olivier au volant, moi côté passager et les trois autres derrière, nous constatons une disparition progressive de toute âme vivante. L'effet "fin du monde" est saisissant. Une demi-heure avant notre arrivée, le compteur geiger acheté la veille se met logiquement à s'affoler. Nous enfilons donc tous les cinq une tenue nucléaire. Celle-ci se compose d'une combinaison imperméable d'un jaune particulièrement disgracieux, de deux gants verts et d'un masque.

Olivier - (Se tournant vers moi et respirant bruyamment à travers son masque) Luke, je suis...
JAR - (Le coupant) Oui, je sais, "mon père". Je ne l'attendais à peine, cette blague!
Olivier - (Déçu) Pff! Quel rabat joie!

Les quelques 250 kilomètres qui séparent Tokyo et Fukushima sont effectués en deux bonnes heures.
Nous pénétrons le parking désert de la centrale nucléaire dévastée. Mon frère fait deux fois le tour du parking.

Christophe - (A Olivier) Mais gare-toi, bordel!
Olivier - Y'a trop de choix, je ne sais pas où me parquer!
Maman - Devant l'entrée, domm! ("imbécile" en luxembourgeois)

Enfin garés, nous sommes accueillis par le responsable de la centrale à qui je tends une oreillette traductrice. Il se l’insère dans l'oreille. Ma famille et moi faisons de même. Nous sommes évidemment tous surpris de constater que le bonhomme est le seul de nous six à ne pas porter de tenue nucléaire.

- Bonjour je m'appelle 鳩.
Papa - A vos souhaits!
JAR - (A mon père) Ne commence pas, papa! (Au responsable) Enchanté 痴人!
鳩  - (Choqué) Pourquoi me traitez-vous d'idiot?!
JAR - Je vous prie de m'excuser, j'ai probablement mal prononcé!
Mes deux frères se mettent une nouvelle fois à applaudir ma maladresse légendaire. Compréhensif, le responsable de la centrale me propose de l'appeler 鸚鵡 pour faciliter les choses. 
JAR - Hum... Merci

Les présentations faites, nous poussons la porte de ce qu'il reste de la centrale. A l'intérieur, il nous est presque impossible de distinguer le comptoir qui faisait office d'accueil tellement il est recouvert de suie épaisse et de cendres. 鳩 nous invite à le suivre dans son bureau situé au premier étage. Dans l'escalier, je lui demande si quelqu'un d'autre est présent dans la centrale. Il me répond qu'il est seul responsable du site depuis près de deux mois. Nous nous installons dans une toute petite pièce uniquement meublé de six chaises et d'un bureau. 

- Je vous écoute.
JAR - Comment peut-on qualifier la situation de la centrale de Fukushima, aujourd'hui?
鳩  - Selon les autorités, excellente! C'est pourquoi, je ne porte plus de tenue nucléaire depuis plusieurs semaines.
JAR - Vous semblez avoir une confiance sans limite envers le gouvernement. Benjamin Franklin disait avec la sagesse qui le caractérisait: "le trop de confiance dans les autres est la ruine de bien des gens". 
Christophe - (Dans un soupir) Quel crâneur, ce mec...
鳩 - Peut-être. Mais vous savez aussi bien que moi que "Pierre qui roule n'amasse pas mousse".
JAR - Sauf si cette pierre roule sur du plutonium, Monsieur 鳩!
鳩 - Vous m'ennuyez, Monsieur Rolland.
Olivier - Oui, moi aussi...
JAR - "L'ennui est une sorte de jugement d'avance"
Papa - Donne-moi ce bouquin!!! (Mon père m'arrache des mains mon dictionnaire des citations)
JAR - (Choqué par la violence de mon père) "Le vrai courage est calme ; la violence n'en est jamais la preuve"!!!!
鳩 - Pouvons-nous reprendre l'interview, je vous prie. J'ai ma ronde à faire dans cinq minutes!
JAR - Nous pourrions éventuellement continuer cet entretien en faisant votre ronde.
鳩 - "D'une pierre, deux coups" Faisons ça!

Nous nous levons tous et quittons le petit bureau exigu. Mon intrépide famille et moi-même suivons 鳩 à travers d'interminables couloirs. Nous empruntons ensuite un escalier qui nous amène devant une immense porte en métal.

鳩 - Les réacteurs se trouvent derrière cette porte.
Maman - (Inquiète) Vous êtes sûr que vous ne voulez pas mettre de tenue nucléaire?
鳩 - Je vous dis qu'il n'y a plus rien à craindre!
 ouvre la porte. Le compteur Geiger qu'Olivier tient en main explose instantanément. 鳩 semble surpris.
鳩 - (Désignant le compteur) Matériel défectueux... Hum, "made in China", j'imagine.
Mon frère vérifie.
Olivier - Non, "made in Japan". 
鳩 - Ah...
Ma mère me tire par la manche. J'aperçois à travers son masque un regard paniqué.
JAR - (A 鳩) Finalement, on va vous laisser faire votre ronde seul.
鳩 - M'enfin! Je vous répète que rien n'est à craindre. (En se pointant des deux mains) Regardez-moi, je pète la forme! (Hésitant) Enfin... Non, je mens. Je dois avouer que depuis quelques semaines, quelque chose a ... hum... disons... changé... Attendez, je vais vous montrer.
鳩 commence alors à déboutonner son pantalon.
JAR - Non, non, non! C'est bon, on vous croit sur parole!
鳩 - (Continuant sans aucune pudeur son imprévisible strip-tease) "Seeing is believing", comme dirait les sceptiques!
Christophe - Ceux qui ne sont pas sceptiques peuvent-ils se passer de voir... Ah, trop tard...

Tout sourire, 鳩 sort de son caleçon quelque chose qui ne peut être que l'oeuvre du Malin. Face à ce spectacle peu ragoutant, trois sentiments bien différents jaillissement de ma famille: le choc, pour mes deux frères et moi. La fascination teinté d'un certain trouble, pour ma mère. Enfin, le stoïcisme pour mon père.

Papa - (Commençant à déboutonner son pantalon) Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a d'impressionnant.
JAR - (Stoppant mon père) Non, c'est bon, papa!
Olivier prend son portable et filme le phénomène.
Christophe me tape sur l'épaule.
Christophe - On est bien en train de regarder le sexe géant d'un japonais radioactif?
JAR - Oui, je crois bien, oui...
Christophe - Très bien! C'était juste pour vérifier que je ne souffrais pas d'hallucinations.
JAR - Je pense que c'est bon, Monsieur 鳩. Vous pouvez ranger votre... votre... instrument de mort...
鳩 s’exécute.
JAR - Est-ce le seul symptôme?
鳩 -  Bon, parfois je tousse du sang et la semaine passé, il est vrai que j'ai dû me choquer parce que je faisais une petite crise cardiaque... Mais je veux dire, c'est rien par rapport à ÇA! (Il désigne à nouveau son engin)


Olivier range son portable et demande que nous écourtions l'entretien. J'accepte sans trop de difficulté.

JAR - Bien, Monsieur 鳩, je pense que nous pouvons conclure ici.
鳩 - (Fermant enfin sa braguette) Très bien. Je vais continuer ma ronde.
JAR - Une dernière chose... J'ai cru comprendre que tous les prénoms japonais avaient une signification.
鳩 - C'est exact.
JAR - Que signifie le votre?
鳩 - "Pigeon".
JAR - Hum... Ceci expliquant sûrement cela...

Nous nous apprêtons à quitter 鳩 lorsqu’une alarme se met à retentir, accompagnée d'une voix hurlant des ordres en japonais.

鳩 - Oh bon sang, tous aux abris anti-atomiques! Alerte au tsunami!!
JAR - (Paniqué) Mais bon sang, il n'y a pas eu de séisme!!
鳩 - Qu'importe! Suivez-moi!

Ma famille et moi courrons derrière 鳩. Nous descendons plusieurs étages pour nous retrouver devant une seconde porte en métal. Le responsable de la centrale s'empresse de l'ouvrir et nous investissons une minuscule pièce. 鳩 referme la porte. La panique se lit sur tous les visages.

Maman - Cette pièce peut nous protéger d'un tsunami?
鳩 - Honnêtement, rien n'est moins sûr...
Maman - (Se tournant vers sa famille) Si jamais l'heure est venue, je tenais à vous dire que je vous aime tous très fort.
Christophe et Olivier - Nous aussi, maman...
Papa - Même si je passe mon temps à vous gueuler dessus, sachez que je vous aime aussi.
Tous les regards se tournent ensuite vers moi.
JAR - (Gêné) Ben oui, c'est bien... On est une famille unie, quoi!
Maman - Dis-le!
JAR - Mais je ne peux pas! Tu sais très bien que Julien n'aime rien!
Tous (même 鳩) - DIS-LE!
JAR - Je... Je... Je... Je vous... Je vous ai...
Tous - Vas-y, tu peux y arriver!
JAR - Je vous... Je vous... Je vous ai... Je vous aime...
鳩 - (De nouveau tout sourire) Alléluia! (A ma mère) C'est bon? Vous avez eu ce que vous vouliez?
Maman - (Egalement souriante) Oui, oui, c'est bon. Vous pouvez rouvrir la porte.
JAR - (Ne comprenant rien à la situation) QUOI?!
Maman - On savait que tu avais un coeur, Julien! "Julien n'aime rien"! C'est juste un genre que tu t'es donné.
JAR - Mais, mais, mais!?
Christophe - Comment qu'tu t'es fait avoir, toi!

La porte à nouveau ouverte, je quitte la "panic room" à toute vitesse, vert de rage. Mon père m’agrippe par la tenue nucléaire.

Papa - (zieutant mon arrière train) Tu as un trou, Julien!
JAR - Comme tout le monde!
Papa - Non... Je veux dire, un trou à ta tenue nucléaire!
JAR - QUOI?!

Ma famille et 鳩 se rapprochent de moi. J'enlève mes deux gants et tâte la déchirure. Je blêmis instantanément.

JAR - Oh mon dieu! Oh mon dieeeu!
Maman - (Pointant ma main) Et ça c'est quoi?!
JAR - Ça? C'est une main maman. Ça sert à écrire, porter des choses, tenir...
Maman - (Me coupant) Regarde-la!


Je regarde ma main et lâche un horrible cri de terreur. Olivier sort son portable pour filmer le phénomène.



Deux jours plus tard, à Paris...


Alain Juppé - Je suis très déçu, Monsieur Rolland. Votre rapport ne fait qu'une demie page et ne nous apprend rien du tout. (Soupir) Je pensais pouvoir vous faire confiance, Monsieur Rolland. Votre réputation semblait tout à fait justifiée... Enfin... Jusqu'à aujourd'hui... De plus, je constate de très nombreuses dépenses superflues. Vous avez visiblement bien profité des caisses de l'Etat: 753 € dans une boîte de nuit, 3450 € d'hôtel, 2353 € dans une boîte de strip-tease et 43 € en kebab. (En colère) Qu'avait à répondre pour votre défense?

Ne sachant que dire, je décide de lever ma main mutante et de proposer au ministre des affaires étrangères un doigt d'honneur tout à fait inédit car composé de deux majeurs. L'un dédié à l'échec de mon enquête au Japon, l'autre aux 165,35 € que l'Etat s'est permis de carotter sur mon compte en banque.

C'était Julien pour "Julien n'aime rien" (sauf sa famille). A vous les studios!