Un blog pour qui la critique positive et l'objectivité ne sont que de vagues concepts sans intérêt

Mon credo se résume à ceci: un minimum d’objectivité pour un maximum de mauvaise foi.
Cinéma, musique, politique, actualité... Mes enquêtes me mènent toujours à la même conclusion: pas grand chose dans notre société ne mérite d'être aimé...
Vous êtes bien sur le blog de "Julien n'aime rien" ; qui me déteste me suive!





samedi 23 juillet 2011

EN BREF - Et sinon... (1)



Toujours un temps d'avance...



-"Nous aurons un été extrêmement chaud" Météo France - Mai 2011... C'est beau la science. 



Le péril jeune

1972 
- Que veux-tu faire quand tu seras grand, mon fils?
- Astronaute, papa!
- Doux rêveur!
2011
- Que veux-tu faire quand tu seras grand, mon fils?
- Trouver un travail.
- Doux rêveur


Retraite magique



2011 sera l'année de la retraite pour deux magiciens des temps modernes:
Le premier vient de ranger définitivement sa baguette magique pour cause de fin de saga.
Le second a été contraint de ne plus jamais sortir sa baguette magique en public pour cause d'utilisation abusive de cette dernière sur personnes de sexe féminin non-consentantes.




Sujet bouche trou: mode d'emploi


Réunion de rédaction d'un grand média français. 18 juillet 2011.

Rédacteur en chef (RC) - Bon, les gars, on en est où avec le quetard de Washington?
Journaliste (J) - R.A.S patron.
RC - ... Ben merde... Bon... A Fukashimi, rien de neuf? Toujours pas de gosses à trois bras et cinq jambes?
J- C'est Fukushima, patron... Et non, plus de morts depuis trois mois. Le Japon est redevenu aussi chiant qu'avant.
RC - Bon sang!! Et Ribery et les prostitués?
J - Ces dernières semblent avoir compris que le pognon ne rend pas beau tout le monde. Bref, encore une fois, R.A.S.
RC - Libye, Tunisie, Algérie? Il ne se passe rien non plus là-bas?
J - En moyenne, on compte une vingtaine de morts par jour dans ces pays. Rien qui ne mérite qu'on en parle.
RC - Mais bordel, j'ai 45 minutes de JT à remplir moi!
J - Bah... On peut faire un sujet sur la Somalie. Une sécheresse frappe le pays depuis quelques mois.
RC - Arrête ton char! "Oh mon dieu, ils crèvent de faim! Oh mon dieu, les bébés ont des gros ventres! Oh mon dieu, l'envoyé spécial s'est pris un coup de soleil!". La Somalie, tout le monde sait ce qu'il s'y passe et tout le monde s'en tape!
J - Je ne dis pas le contraire, je suis d'ailleurs le premier à m'en taper. N'empêche, le direct est dans 5 heures, va bien falloir trouver quelque chose.
RC - Bon bah, c'est parti pour les somaliens... Va donc dans les archives et monte-moi un sujet rapidos avec de vielles images. Pfff, quand je pense qu'il y a encore deux mois, il fallait allonger nos JT tellement l'actualité était riche... Putain de vacances scolaires! Y'se passe jamais rien! (Silence) En fait, vous savez ce que c'est qu'un grain de riz dans un lavabo? ... Nan? Un somalien qui a vomi toute la nuit!
(Rire général)
.........


L’hôpital qui se fout de la charité


Le journaliste Jean-Marc Morandini a déclaré dans VSD: "France 4 et Arte ne servent pas à grand chose". L'interviewer officiel des candidats de télé-réalité et des stars du porno a dit quoi?



Défonce fatale


Amy Winehouse est morte. Le Bon Dieu vient de commander des verrous pour préserver sa divine cave à vin.
Son médecin vient de s'exprimer sur cette mort tragique: "Chaque fois que je lui demandais d'aller en Rehab, elle me répondais: non, non, non. Son décès prématuré n'est donc pas étonnant-nant-nant". 
En exclusivité ci-dessous, la première photo du corps de la chanteuse anglaise.


... Au temps pour moi, c'était un samedi soir comme les autres...

Big Brother is still watching you


"Si je devais décrire cette expérience en quelques mots, je dirais que c'est avant tout une aventure humaine, riche, profonde, unique... 
Secret Story truquée? Absolument pas! La seule consigne donnée par la prod' avant d'entrer dans la maison des secrets a été la suivante: Soyez-vous même, amusez-vous et surtout, pas de coups bas. Aimez-vous les uns les autres. 
La Voix, une sorte de despote des temps modernes? Pas du tout! Je dirais plutôt un guide, une oreille attentive lorsqu'on a le moral dans les chaussettes, un père de substitution en quelque sorte. 
Quid de Benjamin Castaldi? Un brillant présentateur, bien plus intelligent que l'on veut nous le faire croire. 


Interview de Juliette, candidate de Secret Story. Son secret? "Je suis une mytho".

dimanche 17 juillet 2011

PSYCHOLOGIE - Le Syndrome de Stockholm d'Hervé et de Stéphane

23 août 1973, Stockholm. Fraîchement évadé, un individu que l'on nommera Jan Olsson puisque c'est son nom, ne trouve rien de mieux que de braquer une banque en plein centre de la capitale suédoise. Très vite, les forces de l'ordre interviennent obligeant le malfaiteur à se retrancher sur les lieux du crime en compagnie de 4 otages qui n'en demandaient pas tant. S'en suivent 6 jours de négociations intensives qui se termineront finalement par la libération des otages. Jusque là, vous en conviendrez, pas de quoi fouetter un chaton inoffensif. Mais là où ça devient intéressant, c'est qu'au moment d'appréhender le braqueur, les policiers sont arrêtés nets par les otages qui font barrage devant Olsson. Au procès de ce dernier, les 4 victimes refuseront de témoigner contre le criminel, allant même jusqu'à lui rendre visite à plusieurs reprises en prison. On apprit plus tard qu'au cours de ces 6 jours de captivité, l'une des otages, Kristin, tomba amoureuse d'Olsson.

Cette sympathie des otages vis-à-vis des ravisseurs est connue sous le nom de syndrome de Stockholm. Celui-ci est considéré comme tel lorsqu'il répond aux trois critères suivants:
1. Développement d'un sentiment de confiance envers les ravisseurs.
2. Développement d'un sentiment positif des ravisseurs envers les otages.
3. Naissance d'une hostilité des victimes face aux forces de l'ordre.

On retrouve très régulièrement des situations au cours desquelles se manifeste ce syndrome. Pour preuve, voyez ces milliers de violences conjugales non dénoncées auprès des autorités. Non pas que ce fléau soit dû uniquement à une certaine forme du syndrome de Stockholm dans lequel la femme serait considérée comme l'otage de son bourreau de mari, mais certains spécialistes affirment tout de même que ce cas de figure - la femme ne portant pas plainte par empathie pour le conjoint - s'est déjà présenté.

J'entends déjà les lecteurs grincheux de mon blog se plaindre du caractère "pas très fun" de ces premières lignes. Pas de panique, serais-je tenté de dire, "Julien n'aime rien" en arrive aux faits.

Au retour de mon escapade avec Jack Bauer (cfr article précédent), je me suis fait une inquiétante réflexion et mes plus fidèles lecteurs pourront sans mal appuyer les propos suivants. En effet, ces derniers temps, mon travail de journaliste de terrain m'a plus que de raison amené à subir une captivité plus (1 an et demi) ou moins (24h tout pile) longue. Et, étrangement, jamais je n'ai ressenti d'animosité voire de haine envers mes ravisseurs respectifs. Après tout, j'ai suivi Jack Bauer sans vraiment rechigner et j'ai failli signer un CDI auprès de Laurent Gbagbo et Oussama Ben Laden - CDI que je pleure encore aujourd'hui. Pire, je me suis presque attaché à la sympathique stupidité de l'agent secret américain et à la bonhomie de feu "l'homme le plus recherché de la planète".


Soudainement pris de panique car pensant souffrir d'un mal incurable, je googelise mes symptômes et là, Ô surprise, ce mal porte un nom, je vous le donne en mille: le syndrome de Stockholm. Honnêtement, jusqu'à ce jour, je prenais le syndrome de Stockholm pour une sorte de tourista causée par l'immonde nourriture suédoise. Comme quoi, même les esprits les plus vifs comme le mien peuvent parfois faire fausse route - un bien beau message d'espoir pour tous les cons!

Cela étant dit, mon enquête ne fait que débuter. Pour bien faire, j'aurais évidemment besoin du témoignage d'une victime de ce syndrome. Hélas, malgré mes dizaines de coup de fil - notamment à Natasha Kampush, la jeune allemande séquestrée pendant 8 ans mais qui avoue ne pas ressentir de colère envers son bourreau -, mes recherches ne mènent à rien. Ne connaissant pas la signification du mot "abandon", je décide finalement de joindre les deux otages les plus connus de France: Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. 547 jours enfermés dans les geôles des talibans. Qui sait? Des liens se sont peut-être noués entre ravisseurs et ravissés (ou dit-on ravissants?... Hum... Excellente question! Note pour plus tard: téléphonez à Bernard Pivot). 

PRISE DE CONTACT

C'est une voix apeurée qui me répond.
- Allo?
- Oui, bonjour Hervé, je...
- Vous êtes un terroriste? 
 - Non, non... Je repense au CDI mort-né d'Oussama. Enfin "snif" plus maintenant... Julien Rolland pour Julien n'aime rien.
- LE Julien n'aime rien?, me demande-t-il soudain enjoué.
- Lui-même!
- Je suis un grand fan!
Il va falloir m'expliquer! Tout le monde semble m'aimer et pourtant le nombre de mes membres plafonnent désespérément à 21! Monde injuste!
Je reprends mes esprits et explique à mon interlocuteur que je souhaite obtenir une interview de lui et de son compagnon d'infortune. Je tais volontairement le véritable objectif de cet entretien, à savoir le syndrome de Stockholm, afin de ne pas fausser leur témoignage. Nous convenons d'un lieu de rendez-vous (un café parisien) et d'une date (le lendemain). Je rassure une seconde fois Hervé sur ma nature "non-terroriste" et raccroche.

Ma fidèle 1007 en convalescence (encore merci, Jack!), c'est finalement le TGV qui me dépose le lendemain à la gare Montparnasse. Une gare qui, il faut bien l'avouer, se révèle nettement plus crade que dans Amélie Poulain. Cette triste constatation faite, je m'en vais sans plus tarder héler un taxi. Celui-ci me dépose 15 minutes plus tard devant le Café Parisien (original, dites-moi!). Je m'assois à une table relativement isolée, au fond de l'établissement. 11h55. Une fois n'est pas coutume, je suis en avance. En attendant Stéphane et Hervé, je commets l'erreur de commander un expresso, autrement dit une mini flaque visqueuse de 2cl dont le goût est, j'en mettrais ma main à couper, proche de celui d'un pétrole bas de gamme.
12h10. - Vous vous dites colombien et vous osez m'affirmer que votre café est bon!
- Si senior, délicieux!
- Et j'imagine que vous pensez sincèrement que le nom de votre café est original! 
- Si senior, très original! " Le Café Parisien" pour uno Café del Paris, c'est una idée del génie!
Juste avant que j'en passe aux mains avec Roberto le serveur, Hervé et Stephane font enfin leur entrée dans le café. Je regarde une dernière fois le serveur.
- Ça ira pour cette fois, gringo. Amène donc à moi et mes amis trois Perriers. 
- Tout dé suite, Senior. 
La première chose qui marque lorsqu'on découvre Hervé et Stéphane en chair et en os, c'est leur surprenante bonne mine. En effet, il est difficile à croire que ces deux gugusses ont subi un régime d'haricots rouges et de riz pendant un an et demi. Tout sourire, Hervé et Stéphane prennent place à la table que je leur désigne tandis que l'insolent Roberto nous dépose les trois Perriers. Stéphane est le premier à prendre la parole.
- Lorsque qu'Hervé m'a informé que le célèbre "Julien n'aime rien" voulait une interview de nous deux, j'ai sauté de  joie! 
Je réponds à sa flatterie par un modeste "pas étonnant" avant de commencer sans plus attendre l'interview. J'enclenche mon fameux dictaphone offert par la CIA et pose la première question.

Julien n'aime rien (JAR) - Afin de satisfaire mes lecteurs les plus ignares, pourriez-vous vous présenter? 
Hervé - Hervé Ghesquière, 48 ans, journaliste pour France 3. 
Stéphane - Stéphane Taponier, 49 ans, cameraman pour France 3. 
JAR - Expliquez-nous quel était le but de votre présence en Afghanistan. 
Hervé - Les vacances! 
Les deux amis se mettent à pouffer. Les médias ont beaucoup mis en avant la désinvolture et le sens de l'humour d'Hervé et de Stéphane... Je confirme. Non pas qu'ils sont drôles, mais que les médias racontent souvent des conneries. Remarquant mon manque de réceptivité à sa blague foireuse, Hervé reprend son sérieux.

Hervé - En fait, Nous menions depuis un mois une enquête sur la construction d'une importante route à deux pas de Kaboul. 
JAR - Expliquez-nous les circonstances de votre enlèvement au cours de cette fatidique journée du 30 décembre 2009. 
LE RÉCIT

Stéphane - Nous étions arrivés au terme de notre tournage. Une dernière mission et nous pouvions plier bagages. Avant de se lancer sur cette dangereuse route, nous avions tout prévu: un traducteur digne de confiance, nommé Reza, ainsi que deux conducteurs qui faisaient aussi office de guides et dont je ne prendrais pas la peine de nommer puisqu'ils n'ont qu'un petit rôle dans mon récit. Ces derniers nous conseillèrent de nous habiller à l'afghane histoire de passer inaperçus. Nous quittâmes Kaboul à 5h du matin à bord d'une Toyota blanche comme on en voit des centaines dans la région. Très vite, nous avons atteint le premier check-point de l'OTAN. Les soldats nous mirent en garde sur le danger de la vallée de la Kapisa contrôlée par les talibans.
Hervé - Sur ce, je répondis à ces mauviettes que j'avais couvert les conflits en ex-Yougoslavie, au Rwanda et en Irak et que ce ne sont pas trois ou quatre barbus armés de mitraillettes en mousse qui allaient me faire peur.
Stéphane - Refusant coûte que coûte de nous laisser passer, les soldats nous demandèrent alors de faire demi-tour. Dans l'impasse, Hervé eut une brillante idée. Il regarda derrière les soldats et hurla: "Ooh mon dieu, c'est Ben Laden, là-bas!". Pris de panique, les bidasses se retournèrent et firent feu sans même analyser la situation.
Hervé - Je ne suis pas très fier. J'appris à notre retour que ma diversion avait coûté la vie à deux chameaux et une chèvre.
Stéphane - Bref, nous profitâmes de ce moment de flottement bruyant pour passer le check-point en toute tranquillité. Nous nous retrouvâmes alors sur une route de bien mauvaise qualité. C'est alors que nous pûmes...
JNR - Non vraiment les gars, arrêtez avec le passé simple, c'est franchement moche.
Hervé - Très bien, l'ami, nous passons au présent de narration d'autant plus que cela donnera à notre récit un relief particulier en le rendant plus présent à l'esprit du lecteur. Vois-tu, ce qui est génial avec l'utilisation du présent de narration, c'est...
JNR - Tenez-vous en aux faits, par pitié!
Stéphane - Nous roulons à petite vitesse pendant approximativement 1h. Vers 11h, des types armés de kalachnikov font irruption sur la route et nous forcent à nous ranger. Reza baragouine dans un anglais approximatif: "Big, big problem".
Hervé - Je lui réponds: "Sans blague, Einstein" et étrangement personne se marre.
Stéphane - Nous sommes violemment traînés hors de la Toyota. Les deux guides sont emmenés ; plus jamais nous les reverrons. Après nous avoir dépouillés de nos passeports et de ma caméra, nous sommes à nouveau mis dans la voiture en compagnie de 13 talibans (dont un dans le coffre, 4 sur le toit et 2 tirés sur un skate derrière le véhicule). Fiers comme jamais de leurs prises, les talibans font le tour de plusieurs villages en criant: Michael Vendetta! Michael Vendetta!!, bizarrement leur seule référence française. Au cours des premiers mois de notre détention, nous sommes amenés à changer de lieu très régulièrement pour éviter d'attirer l'attention du voisinage.
JNR - Quelles étaient vos relations avec les talibans?

Hervé et Stéphane semblent surpris. Apparemment, aucun autre journaliste ne s'était véritablement arrêté sur cette question. Il faut savoir que pour le commun des mortels, il est totalement inconcevable qu'un sentiment autre que la haine puisse naître entre otage et ravisseur. C'est Hervé qui reprend la parole.

Hervé - Enfin une bonne question! Depuis que nous avons posé le pied sur le territoire du Camembert et des ronds points inutiles, on entend toujours les mêmes questions: Avez-vous eu peur de mourir? Où faisiez-vous pipi, caca? Décrivez-nous le repas type d'un otage de barbus? Les talibans se mangent-ils entre eux? Etc etc. Eh bien, sachez qu'à part une incompréhensible vénération pour Michael Vendetta, les talibans sont des gens comme les autres.
Mon intuition légendaire a encore fait des miracles. Je sens venir le syndrome de Stockholm à plein tube.

JNR - Pouvez-vous approfondir les relations que vous avez pu entretenir avec les talibans?
Stéphane - Les premiers jours de captivité ne sont pas joyeux, il faut bien l'avouer. On sent que nos ravisseurs sont quelque peu dépassés par les évènements. C'est finalement le 29 janvier 2010 que les choses vont commencer à s'améliorer.
Hervé - On vient me chercher et on m'emmène au sommet d'une montagne où passe le réseau téléphonique. On me tend un portable et c'est un homme des services secrets français qui se trouve au bout du fil. Il m'informe que les négociations ont démarré et que notre libération ne saurait tarder. La conversation terminée,  les talibans se félicitent de cette première victoire. On voit presque des dollars sortir de leurs yeux. Le lendemain, l'ambiance s'est considérablement apaisée. Les talibans organisent pour l'occasion un barbecue halal auquel nous ne sommes bien évidemment pas conviés. Pourtant, il se passe ce jour-là quelque chose de très surprenant.
Stéphane - (coupant Hervé) Tu es sûr que tu veux tout lui raconter?
Hervé - Qu'est ce que je risque? Son blog ne possède que 19 membres!
JNR - (Outré par ce manque d'exactitude) 21! 21 membres!
Hervé - Ah ben bravo, tu as réussi en ajouter 2 depuis ma dernière consultation! Juste par curiosité, peux-tu me dire qui sont ces intrépides lecteurs?
JNR - ... Hum... Le fils et la fille d'amis...
Hervé - Qui ont...?
JNR - Hum... 2 et 2 ans et demi
Hervé - ... Et par conséquent, ces deux lecteurs ne...?
JNR - ... Savent pas encore lire... Oui, bon ça va...
Hervé - (à Stéphane) Tu vois! Aucun risque! Eh puis mince, faut que ça sorte, nom de dieu!
Stéphane - (après une longue réflexion) Très bien, allons-y.

PREMIERS SYMPTÔMES

Je profite qu'Hervé et Stéphane se rincent le gosier de Perrier pour changer de style de narration, histoire de varier les plaisirs. Le verre vidé d'une traite, Stéphane évoque ce fameux jour du barbecue. Il faut savoir que depuis un mois, le quotidien des journalistes et de Reza, l'interprète, se résumait à une pièce insalubre d'à peine 10m² sans lit ni toilette et d'une douche toutes les deux semaines au mieux. Mais l'échange entre Hervé et l'agent de la DGSE semble avoir changé la donne. De la fenêtre, les trois prisonniers entendent une dizaine de talibans fêter le début des négociations. Soudain, une porte s'ouvre et ils aperçoivent l'un des ravisseurs apporter une généreuse assiette composée de juteux morceaux d'agneau. Il la dépose sur la seule table de la pièce et s'en va sans mot dire. Logiquement affamés, les trois otages se jettent sur cette inespérée corne d'abondance. Et ce rituel se reproduira tous les jours jusqu'à la libération.

Cette soudaine générosité n'empêche cependant pas l'ennui de se faire de plus en plus pesant. Pour remédier à cela, Stéphane tente de négocier une simple radio. Ce sont finalement un écran plat avec abonnement à 285 chaînes et une Wii qui sont installés dans la petite pièce. Pendant près de quatre mois, les otages partageront leur temps entre promenades quotidiennes de 2 à 4 heures, parties de Mario kart endiablées et bouffes royales. Sans surprise, ils prennent entre 4 et 8 kilos au cours de cette période.

Progressivement, les interactions entre otages et ravisseurs se font de plus en plus fréquentes. Un soir, me raconte Hervé, le taliban responsable de notre confort lui propose une partie d'un jeu bien connu. Reza joue le rôle du traducteur.
Taliban - وقلبي من رضاك مح ?
Reza - Porte-t-il une cravate verte?
Hervé - Non.
Reza - مح
Tap. 

Hervé - Porte-t-il une barbe ?
Reza - من رضاك ?
Taliban - من !

Reza - Non!
Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap
Taliban - من رضاك مح ?
Reza - Porte-t-il des lunettes à pois jaunes?
Hervé - Heu... Ben non!
Reza - Heu... Ben من !
Tap
Hervé - Porte-t-il une kalachnikov?
Reza - من رضاك ?
Taliban - من
Reza - Non
Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap
Hervé - Alors... Pas de barbe ni de kalachnikov... Je pense que c'est John, le seul occidental du Qui est-ce? taliban!
Taliban - وقلبي من رضاك مح !!
Reza - Bien joué, connard !!
Voilà une bien étrange captivité, loin, très loin même, de l'image que l'on peut se faire d'une telle situation. Je ne peux me résoudre à croire à un syndrome de Stockholm aussi aiguë. J'interroge donc les journalistes sur les moments les plus angoissants qu'ils ont pu vivre - car il doit bien en avoir au moins un! Hervé répond par l'affirmative et me raconte qu'un soir de février, alors qu'ils jouaient une partie de Cranium - jeu de société dans lequel trois équipes de deux doivent se faire deviner par le mime des personnages ou des situations -, un taliban s'est servi de Stéphane pour mimer : un terroriste décapite un infidèle. Exceptée cette décapitation simulée mais plus vraie que nature, jamais l'un des trois otages n'a craint pour sa vie.

Je n'en crois pas mes oreilles. Depuis leur retour, les médias nous bassinent à propos des conditions déplorables de la détention d'Hervé et de Stéphane. On a qualifié de héroïque leur résistance face à la menace d'une mort imminente. Et qu'entends-je aujourd'hui? Qu'ils ont en réalité vécu tels des pachas nourris, logés et blanchis. Ces interminables marches dans la nuit, ces cellules exposées au vent glacial et infestées par des rats et des serpents, tout ne serait donc que mensonge? "Pas tout, m'arrête Hervé, nous avons effectivement marché 1 heure en pleine nuit pour rejoindre la piscine chauffée d'un des talibans". Je ne prends même pas la peine de répondre. Stéphane tente de se justifier:



Stéphane - Officiellement, le gouvernement n'a versé aucune rançon. Mais Hervé et moi savons bien que c'est faux. Sarkozy était en manque de popularité. A l'instar de l'affaire Ingrid Beancourt, il savait qu'une libération des deux otages les plus médiatisés de France pouvait lui faire marquer des points à un an de 2012. C'est pourquoi il a ouvert le portefeuille et répondu aux revendications des talibans, à la grande surprise de ces derniers d'ailleurs.
JNR - Où voulez-vous en venir?
Stéphane - Crois-tu vraiment que le véritable récit de notre captivité aurait réjoui le gouvernement et l'opinion? De quoi aurait-on eu l'air? De deux pauvres types qui ont copiné avec l'ennemi en se goinfrant pendant un an et demi alors que toute la France se mobilisait, organisait des marches silencieuses, montait des concerts foireux avec Raphaël et Chimène Badi. Impossible. C'est pourquoi nous avons décidé de commun accord avec Hervé de réécrire l'histoire, de la rendre plus...disons... dramatique.

J'hésite entre être choqué par ma découverte, que l'on peut facilement considérée comme le plus grand mensonge à grande échelle depuis l'histoire bidon des armes de destructions massives irakiennes et l'excitation de tenir ici l'un des cas les plus significatifs du syndrome de Stockholm. Ma morale me fait d'abord pencher pour la première solution. Je commande une tequila à Roberto et l'avale cul-sec tel un cow-boy qui vient d'apprendre la mort de sa fidèle monture. Puis rapidement, le journaliste avide de scoop qui sommeille en moi donne un coup de pied dans les couilles de sa morale et reprend l'interview. 

LA LIBÉRATION

Je vous épargne la description des derniers mois de cette captivité 5 étoiles pour passer directement au 29 juin 2011. Ce jour-là, un taliban pénètre en pleure dans l'appartement de Stéphane et Hervé - car oui, les deux journalistes ainsi que Reza avaient depuis plusieurs mois élus domicile dans un magnifique duplex de 120m². Bref, ce taliban informe nos trois otages de luxe que le gouvernement français a versé la rançon et qu'il est donc dans l'obligation de les conduire dans une base militaire française située à Tagab, une petite villes afghane. Cette nouvelle fait l'effet d'une bombe dans la tête des trois otages. Reza tombe sur ses genoux et crie, les bras déployés, comme s'il était dans un mauvais drame américain. Hervé s'approche du taliban dépité et le serre dans ses bras. A l'évocation de cette scène, les yeux des deux journalistes se remplissent de larmes. "J'ai rarement ressenti une telle émotion", ajoute Hervé. 



Stéphane - Le lendemain, celui que l'on peut considérer comme le chef des talibans organise une ultime fête dans sa villa. Tous les talibans que nous avons côtoyés au long de notre séjour ont tenu à faire acte de présence. Alors que nous mangeons, buvons et discutons avec nos amis, le chef dépose devant nous 7 valises bourrées de billets de 100 dollars. "Voici la rançon, nous informe-t-il. 7 000 000 de dollars américains." Accompagné de deux autres talibans, il empoigne les valises, se dirige à l'extérieur de la villa et jette l'entièreté de la rançon dans un énorme brasier allumé quelques minutes plus tôt. Le chef se retourne vers Hervé, Reza et moi et, la barbe tremblante, nous dit: "Votre amitié n'a pas de prix. Vous allez beaucoup nous manquer"
Hervé - 24 heures plus tard, nous nous retrouvons à boire une coupe de champagne en compagnie du général en chef des forces armées française pour "fêter" notre libération. 
JNR - Qu'est devenu Reza? 
Hervé - Il ne lui a pas fallu plus de 10 minutes pour décider de s'installer définitivement auprès de nos ravisseurs. En janvier dernier, il a fait la rencontre de la soeur d'un taliban et en est tombé instantanément amoureux. Je me souviens encore. "Ces yeux! Ah, ces yeux!", ne cessait-il de dire. Alors évidemment, curieux comme je le suis, je voulais en savoir plus. Le problème, c'est qu'il n'avait jamais vu autre chose que ses yeux... 
Stéphane - Elle portait la burqua. 
JNR - Oui, merci, j'avais compris l'allusion... Et donc, depuis votre libération, vous bernez tout le monde avec vos histoires de captivité inhumaine. 
Hervé - Avait-on le choix? 
JNR - J'imagine que non...
Stéphane - Voilà, tu connais toute la vérité. 
JNR - Dernière question: quels sont vos projets pour les prochaines semaines à tous les deux? 
Hervé - Je prépare une enquête sur la vie des chiens errants dans la vallée de la Kapisa. Stéphane et moi partons dans une semaine pour l'Afghanistan. 
JNR - Ça m'aurait étonné...


J’éteins mon dictaphone, remercie Hervé et Stéphane pour leur honnêteté et quitte la capitale française à bord du TGV de 19h12. Trois jours plus tard, mon article terminé et après mûres réflexions, je téléphone à Hervé pour proposer mon aide sur ce reportage concernant les chiens errants de la vallée de la Kapisa. "Avec plaisir, l'ami! Plus on est de fous...". 


C'était Julien Rolland pour un "Julien n'aime rien" qui souhaite approfondir la question du syndrome de Stockholm sur le terrain. Rien que pour vous, mes fidèles 21 lecteurs. 


Deux semaines plus tard


Laurent Delahousse  - Nous venons d'apprendre qu'Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier ainsi qu'un troisième obscur journaliste viennent de se faire enlever par un groupe de talibans. Ces derniers refusent toute négociation......

lundi 4 juillet 2011

GEO-POLITIQUE - Jack Bauer est un con



Ces évènements se déroulent entre 11h et 13h. Ils sont rapportés en temps réel. 


- A la suite de ces 2h30 d'entretien, nous pouvons, vous et moi, conclure qu'obtenir un bac +5 se révèle être un vrai piège à con. Environ 200 CV envoyés pour un résultat quasi nul. Monsieur Rolland, que dire? Je ne peux vraiment plus rien faire pour vous. Si encore vous vouliez bien vous résoudre à accepter un poste de serveur au Mc Donald, histoire de ne pas passer vos journées devant votre écran plat à profiter de votre RSA durement financé par des citoyens qui bossent, EUX...
- Mais j'accepte, j'accepte! Un poste au Mc Do, avec plaisir. 
- Bah non, voyons...
- Pourquoi?
- Vous êtes trop qualifié!
- Mais vous venez de dire...
- Monsieur Rolland, vous me fatiguez et ma pause de midi m'appelle. 
- Mais il n'est que 11h!
- Ça dépend du fuseau horaire auquel vous vous referez. 
- Mais que...
- En vous remerciant! 


Eh bien oui, chers lecteurs, être considéré comme le plus grand journaliste des temps modernes ne suffit parfois pas à trouver un emploi. Malgré mes scoops sur Roswell, Jean-Luc Delarue ou encore Laurent Gbagbo, je me retrouve les bras ballants, quittant le Pôle Emploi de Saint-Brieuc et ne sachant que faire de ma journée. Encore éreinté par ma précédente enquête, je décide finalement de rentrer en vitesse chez moi afin de ne pas manquer le début de "Toute une Histoire".  Sur le trajet du retour, le pilote automatique de ma 1007 placé sur "On", je réfléchis à ma prochaine investigation. Je recherche avant tout un sujet tranquille qui m'évitera de quitter le pays ou de côtoyer des terroristes... Pourquoi pas le portrait d'un ostreiculteur breton? Ah, c'est pas mal ça! Un sujet de proximité et une bien belle occasion d'enfiler mon magnifique ciré jaune et mes nouvelles bottes "Bob l'Eponge". Vendu!
Tel un Sims qui vient de fêter son anniversaire, ma barre de moral remonte à son maximum.

Je m'apprête alors à reprendre le contrôle de ma Peugeot lorsqu'un énorme 4x4 GMC noir me barre la route et me force à piler comme une femmelette. Je me retrouve dans le fossé de cette petite route de campagne -malheureusement pour moi - assez peu fréquentée. Sonné par le choc, il m'est impossible de distinguer clairement le visage de mon agresseur qui se dirige d'un pas décidé vers mon bolide partiellement détruit. A peine le temps de reprendre mes esprits, qu'une cagoule est brutalement mise sur mon visage. On m'extrait de la carcasse et je présume qu'on m'assoit dans le 4x4 qui démarre en trombe peu de temps après. Le trajet se veut long et silencieux. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve otage et aussi surprenant que cela puisse paraître, je prends cette nouvelle situation de crise avec philosophie. "Julien, me dis-je à moi-même, un otage raisonné est un otage reposé. Ferme donc les yeux. Au pire, tu mourras dans ton sommeil". Tout à fait en accord à moi-même, je décide donc de sombrer dans un coma à court terme.

Ces évènements se déroulent entre 13h et 15h. 

- Are you the Julien who doesn't like anything? 
C'est une voix rocailleuse qui me sort de ma torpeur. Première bonne nouvelle, ma vue et ma respiration ne sont plus obstruées par la cagoule. Je fais la mise au point et là, surprise - quoique... Je me suis habitué à ne jamais tomber sur un ravisseur lambda - je fais face à Kiefer Sutherland, l'interprète de Jack Bauer dans la série à succès 24h Chrono.
- I repeat! Are you Julien who doesn't like anything?, me crie-t-il dans l'oreille.
- Absolutelibily, aïe ame Julien n'aime rien, zets correcte. Je soigne mon anglais pour bien me faire comprendre.
- So you're the one who helped Oussama Ben Laden to hide for months? 
Rien à faire, je ne comprends rien à son charabia. Comment est-il possible qu'au XXIe siècle, nous retrouvons encore des gens qui ne savent pas pratiquer l'anglais? Je tente malgré tout de communiquer. Après tout, c'est lui qui porte un Beretta à sa ceinture.

- Whaïe dide iou kidnappe me, mystère Sutherland? 
Visiblement agacé par ses piètres connaissances linguistiques, Kiefer ouvre son sac en bandoulière et en sort deux oreillettes. Il en insère une dans son oreille et m'ordonne de mettre l'autre dans la mienne.
- Vous me comprenez maintenant? 
Incroyable! C'est une oreillette traductrice.
- Parfaitement, Monsieur Sutherland! 
- Je m'appelle Jack Bauer, cellule anti-terroriste. 
- Et moi, je suis Hannibal Lecter, psychiatre anti-viande bovine. 
Il ne faudrait pas non plus me prendre pour une poire.
- Je connais la série, Monsieur Sutherland. Vous êtes un acteur et Jack Bauer, un personnage de fiction. 
- Ce que je vais vous révéler est classé secret défense. 
- ... Secret défonce, plutôt...
- La ferme! , hurle-t-il en me donnant un coup de Rangers dans les rotules. Je pratique ce que l'on nomme en terme scientifique de la psychologie doublement inversée. Je me fais passer depuis une quinzaine d'années pour un acteur qui joue le rôle d'un agent secret de sorte que l'audience pense que je ne suis qu'un comédien interprétant à la perfection - selon les critiques -  un rôle de composition alors qu'en réalité je joue mon propre rôle et que le métier d'acteur n'est qu'une couverture à ma vraie fonction, à savoir agent secret... Vous me suivez? 
Je me mets un entonnoir sur la tête et répond par l'affirmative.
- Donc... Vous bossez pour la CIA. 
- "Roger".
- Vous n'êtes pas acteur, mais un agent secret jouant à l'acteur pour garder son identité secrète.
- Affirmatif. 
- C'est pourquoi vous n'arrivez jamais à être convaincant dès qu'il s'agit de jouer un autre rôle que celui de Jack Bauer? 
- Tu déconnes ou quoi? L'expérience interdite, c'était génial! Et puis, mon dernier long métrage réalisé par le néo-nazi Lars Von Trier a été sélectionné à Cannes! C'est pas rien tout de même. 
- Enfin bref... Pourquoi m'avoir kidnappé? 
- J'ai besoin de toi pour sauver le monde.
- Ça m'aurait étonné... 


Ces évènements se déroulent entre 15h et 17h. 


- Je résume. Un complot visant à assassiner le Président des Etats-Unis est en train de se monter quelque part dans le pays. On suspecte un groupuscule islamique, dont le quartier général se trouverait dans une usine désaffectée de Los Angeles, d'être à l'origine du complot. C'est ça? 
- Sir, yes, Sir.
- A la vue de mon expérience en matière de terroristes, la CIA a jugé bon de m'engager pour infiltrer le groupuscule sus-nommé afin de déjouer les plans machiavéliques de ces "non-chrétiens donc non normaux". 
- Voilà! 
- Question: quels sont les risques?
- Mort atroce, inhalation d'anthrax, bâtons de dynamite dans le caleçon... Rien d'original.
- Je reviens. 
Je cours vers les toilettes.

Ces évènements se déroulent entre 17h et 17h05. 


- OCCUPE - 


Ces évènements se déroulent entre 17h05 et 19h. 


Jack Bauer est occupé à lustrer son Beretta lorsque je réapparais. L'estomac vidé et l'esprit à nouveau clair, je reprends la conversation sur un ton plus agressif.
- Je peux savoir pourquoi je devrais accepter une mission- suicide pour un pays qui n'est même pas le mien? 
- Si tu refuses, tu te retrouveras inculpé d'assistance à personne dangereuse en la personne d'Oussama Ben Laden et de consommation de stupéfiants en compagnie d'un célèbre animateur français. 
- C'est un scandale! Je n'ai jamais aidé Oussama Ben Laden, c'était un rêve! Relisez l'article, bon sang! Et en ce qui concerne ma consommation de drogue en compagnie de qui-vous-savez, ce fut contre mon gré. 
- Le procureur va adorer tes explications. 
- Mais pourquoi vous ne vous occupez pas vous-même de cette mission? C'est vous le héros américain, pardi! Pour ma part, je ne suis qu'une incontestable valeur montante du journalisme d'investigation, rien de plus! 
- Hélas, je ne peux plus travailler sur le terrain... Vois-tu, lorsque la CIA a mis au point ma couverture, ils ont omis un paramètre important...
- Je m'attends au pire...
- Tu peux... En me confiant le rôle d'un acteur mondialement connu, ils ont en quelque sorte grillé mon anonymat. Il m'est donc dorénavant impossible d'infiltrer un réseau terroriste sans être reconnu. Pour preuve, lors de ma dernière mission en sous-marin, le célèbre terroriste international Salah Al-Awadi m'a instantanément reconnu et s'est exclamé: "oh oui, Jack, torture moi, fais moi mal"... Alors évidemment, je n'ai eu d'autre choix que de le flinguer, lui et ses 25 complices... Depuis, la CIA ne sait plus trop quoi faire de moi...
- Je vois... Juste une petite chose... Pourriez-vous me rappeler ce qu'indique le "I" de CIA s'il vous plaît, Jack? 
- "Intelligence", pourquoi?
- Comme ça... Quoiqu'il en soit, je refuse. Vos intimidations me font une sacrée belle jambe. 
Jack esquisse un petit sourire, se dirige à nouveau vers son sac en bandoulière et en sort une petite sacoche. Il l'ouvre et dévoile un attirail digne d'un chirurgien. Il agrippe délicatement une seringue.
- Je me doutais de ta réaction... Et j'ai de quoi te convaincre, me dit-il d'un air sadique. Puis, il se met à chanter: Oh, say, can you seeeeee, by the dawn's early light, what so prooooudly...
J'avale bruyamment ma salive.

Ces évènements se déroulent entre 19h et 21h. (les deux heures les plus longues de ma vie)


- C'est bon, c'est bon, je vais le faire, je vous en prie, arrêtez!! Mon dieu, faites-le taire!
- Je savais que deux heures intensives de David Guetta te ferait craquer petit scarabée, exulte-t-il, satisfait. J'ai étudié ton dossier, tu sais, et j'ai cru comprendre que la musique du petit DJ simplet te faisait saigner des oreilles. 
- Visiblement, vous n'avez jamais entendu parlé du traité de Genève, espèce de monstre!
Il fronce les sourcils, puis se met en colère
- Ok, je t'ai torturé! Mais jamais je ne t'ai traité de Genève! Et puis, ça ne veut rien dire d'ailleurs! 
- Je m'incline... Heu... J'aimerais juste que vous gardiez pour vous les quelques vérités gênantes que j'ai pu révéler après l'injection de votre sérum... 
- Promis. Je ne répéterai à personne que tu as une minuscule b...
- Ça suffit, Jack! On n'est pas seul! Il y a mes lecteurs qui lisent ces mots, alors, s'il vous plaît!
- Pardon...


Ces évènements se déroulent entre 21h et 23h


Jack et moi pénétrons le petit aéroport de Dinard. Le tableau d'affichage nous informe qu'un avion pour Los Angeles quittera le tarmac à 20h48. Nous nous dirigeons vers un guichet. L'hôtesse d'accueil nous demande 1850 € en échange de deux allers pour L.A. A l'annonce de ces tarifs, le sang de Jack ne fait qu'un tour.
- It's -BIP-ing scandalous! Il sort sa fameuse sacoche de bourreau de son sac en bandoulière I have something here to convice you that it's too -BIP-ing expensive... 
Je l'arrête tout en m'interrogeant sur l'origine de ces -BIP- étranges. - Vous n'allez pas torturer l'hôtesse d'accueil! Non mais ça va pas la tête!
Jack se ressaisit et range sa sacoche - C'est compulsif, j'y peux rien... Le problème, c'est que je n'ai pas assez d'argent pour payer les billets. 
- Ne me regardez pas avec ces yeux de merlan frit, Jack. Si j'avais 1850 €, j'aurais déjà engagé un molosse pour vous casser la gueule! 
Jack ignore ma répartie peu inspirée et s'empare de son portable. Il compose rapidement un numéro.
- Aux grandes maladies, les grands médicaments, me dit-il.
Je le regarde, désespéré. - Jack, si vous ne connaissez pas les expressions françaises, pourquoi essayer de les utiliser? 
Quelqu'un semble répondre à son appel.
- Allo, mémé Liliane?... Oui, c'est ton petit-fils, Jack... Jack!... Ton petit-fils américain!... Oui, c'est ça!... Dis-moi, pourrais-tu me verser 20 000 € sur le compte que je t'ai donné il y a quelques semaines?... Demande à ton avocat, il saura de quoi je parle... Oui... T'es adorable... Moi aussi je t'aime, mémé. 
Surpris par cette conversation indigne du célèbre tortionnaire Jack Bauer, je demande à celui-ci des explications. Il me répond que Liliane Bettencourt finance sans trop le savoir la CIA depuis quelques années maintenant. En échange, elle ne demande qu'un peu d'amour. La situation clarifiée, Jack peut maintenant acheter nos billets.

Ces évènements se déroulent entre 23h et 1h du matin. 


Confortablement installés en première classe, Jack et moi savourons un excellent champagne accompagné de canapés du meilleur effet. Jack lève son verre.
- A mémé Liliane! 
Soudain, je me souviens que je ne suis pas seulement un otage proche d'une mort inéluctable, mais aussi un journaliste. Ces 10 heures de vol me laissent amplement le temps de mener une petite interview véritée de Jack Bauer.
- Dites-moi Jack, comment se porte le marché de l’huître? 
Pas de réaction. Comme prévu, les questions préparées pour l'ostréiculteur breton me seront d'aucune utilité dans la situation présente. Je décide donc d'improviser avec le talent que vous me connaissez.
- Combien de personne avez-vous tué, Jack? 
- Dans l'exercice de mes fonctions ou dans le privé? 
- ... Disons, en tant qu'agent secret...
- Si je te tuais maintenant, j'en serais à 400. 
- ... On va attendre un peu avant de sabrer le champagne, hein?!
- Comme tu veux, froussard. 
- En bon républicain, ça ne vous ennuie pas de travailler pour un Président démocrate? 
- Oh -BIP-ain tu l'as dit!
- Pourquoi vous vous censurez sans cesse?!
- Les dirigeants d'ABC ne m'autorisent pas à dire de gros mots, même dans le vie privée... T'imagines même pas le ridicule de la situation lorsque je prends une balle dans le bras et que je m'exclame: "Zuuuut"!
- Si, si, j'imagine...
- Pour répondre à ta question, si, bien sûr que si, je déteste bosser pour ce progressiste de mer-BIP-! Au moins avec Mr Bush, on pouvait interroger les méchants barbus explosifs avec une certaine autorité toute américaine. 
- Vous pensez au waterboarding, aujourd'hui interdit. 
- Sacrée perte, dit-il avec tristesse. Grâce à cette technique somme toute plutôt gentillette...
Je le coupe.
- Gentillette?!?
Il me regarde, interloqué.
- Bah, quoi? Je veux dire... Tu as déjà vu quelqu'un mourir à cause d'un excès d'eau? 
- Un noyé, par exemple!
Il fronce les sourcils.
- Ah mais ouais tiens!! Il se met à rire. J'avais jamais pensé à ça! 
- ... Bref... Et en ce qui concerne Guantanamo? 
- 'jamais été au Brésil! 
- Je parle de la prison! A Cuba! Où sont enfermés quelques centaines de présumés terroristes! 
Regard vide de Jack Bauer.
- ... La prison qui a fait scandale à plusieurs reprises! Alloooo, Jack! 
- Excuse-moi, mais je ne la connais ni des lèvres ni des dents. 
Je me mets furtivement en position lotus et tente de garder ma zénitude légendaire. Visiblement, Jack Bauer n'est qu'une machine à torturer et à exécuter, rien de plus. Finalement calmé après quelques secondes de méditation, je le corrige.
- On dit "ni d'Eve ni d'Adam" Jack. Non, vraiment, si vous ne savez pas utiliser les expressions, ne le faites pas... 
- Au thon pour mouette...
C'en est trop. Dans une rapidité inhumaine, je sers mon point et le dirige avec force vers le faciès de Jack. Sans avoir le temps de réagir, ce dernier sombre dans un profond sommeil. Je regarde furtivement autour de moi mais rien ne semble indiquer qu'un passager ait aperçu mon geste. J'empoigne une couverture et borde notre agent secret. Tout en terminant la bouteille de champagne, je recherche une excuse à donner à Jack lorsqu'il découvrira l'oeil au beurre noir naissant sur son visage. Pas loin d'être méchamment torché, votre serviteur sombre à son tour, bercé par le ronronnement du Boeing.

Le vol se déroule entre 1h et 10h. 


...................





Ces évènements se déroulent entre 10h et 11h. 


- Je vous jure, Jack! Une mouette a pénétré l'intérieur de l'avion, a ouvert par accident le compartiment à bagage et l'enclume d'un passager forgeron est finalement tombée sur votre tête. 
Face au miroir des toilettes hommes de l'aéroport de L.A, Jack écoute mes explications tout en tartinant son oeil au beurre noir d'une pommade achetée plus tôt.
- C'est vraiment pas de bol...
- ... Et pourtant vrai! Ça ne s'invente pas une pareille histoire !
Jack prend le même air sérieux qu'à l'époque où je pensais encore que c'était un homme intelligent et effrayant.
- Bon, c'est pas tout ça, mais nous avons une mission à accomplir! 
- Oui, enfin, J'AI une mission à accomplir. 
- Oui, si tu veux. 
Nous quittons les toilettes, puis l'aéroport. Une chaleur étouffante nous accueille à l'ouverture des portes automatiques. Tandis que Jack hèle un taxi, une sonnerie retentit.
-Oh non!, s'exclame Jack. M - BIP - de!! 
Jack tourne son poignet droit et regarde sa Rolex de branleur. J'aperçois alors son visage se décomposer.
- Vous supportez mal la chaleur, Jack? 
- Mission annulée, Julien. 
- Quoi?!
- Il est 11h du matin, heure de Lamballe...
- Et? 
- Je t'ai enlevé hier à 11h du matin, soit il y a exactement 24 heures...
Je commence à comprendre mais je n'ose y croire. Jack reprend.
- Zut alors, c'est bien la première fois que ça m'arrive. Il crie. BON SANG DE BONSOIR! 24 heures et pas une minute de plus pour achever une mission, c'est la règle!
- Je suis donc libre? 
On sent qu'il a des difficultés à se rendre à l'évidence.
- Oui, mais j'en ai pas fini avec toi, foi de Jack! 
- Et comment suis-je censé retrouver ma douce France? 
- Téléphone à ce numéro...
Sur ce, Jack se détourne de ma personne et disparaît dans la foule de l'aéroport.

C'est Julien pour Julien n'aime rien. Comme conclusion à cette aventure, veuillez vous referez au titre de l'article.

- Allo?... Oui!... Oui, mémé Liliane, c'est Julien, ton petit neveu de Bretagne... Oui... Dis-moi, je suis un peu dans la galère, là... Oui... Pourrais-tu me dépanner de... Disons... 35 000 €?... Super mémé! ... Moi aussi, je t'aime...


Cet article se terminera dans une minute.