Un blog pour qui la critique positive et l'objectivité ne sont que de vagues concepts sans intérêt

Mon credo se résume à ceci: un minimum d’objectivité pour un maximum de mauvaise foi.
Cinéma, musique, politique, actualité... Mes enquêtes me mènent toujours à la même conclusion: pas grand chose dans notre société ne mérite d'être aimé...
Vous êtes bien sur le blog de "Julien n'aime rien" ; qui me déteste me suive!





dimanche 17 juillet 2011

PSYCHOLOGIE - Le Syndrome de Stockholm d'Hervé et de Stéphane

23 août 1973, Stockholm. Fraîchement évadé, un individu que l'on nommera Jan Olsson puisque c'est son nom, ne trouve rien de mieux que de braquer une banque en plein centre de la capitale suédoise. Très vite, les forces de l'ordre interviennent obligeant le malfaiteur à se retrancher sur les lieux du crime en compagnie de 4 otages qui n'en demandaient pas tant. S'en suivent 6 jours de négociations intensives qui se termineront finalement par la libération des otages. Jusque là, vous en conviendrez, pas de quoi fouetter un chaton inoffensif. Mais là où ça devient intéressant, c'est qu'au moment d'appréhender le braqueur, les policiers sont arrêtés nets par les otages qui font barrage devant Olsson. Au procès de ce dernier, les 4 victimes refuseront de témoigner contre le criminel, allant même jusqu'à lui rendre visite à plusieurs reprises en prison. On apprit plus tard qu'au cours de ces 6 jours de captivité, l'une des otages, Kristin, tomba amoureuse d'Olsson.

Cette sympathie des otages vis-à-vis des ravisseurs est connue sous le nom de syndrome de Stockholm. Celui-ci est considéré comme tel lorsqu'il répond aux trois critères suivants:
1. Développement d'un sentiment de confiance envers les ravisseurs.
2. Développement d'un sentiment positif des ravisseurs envers les otages.
3. Naissance d'une hostilité des victimes face aux forces de l'ordre.

On retrouve très régulièrement des situations au cours desquelles se manifeste ce syndrome. Pour preuve, voyez ces milliers de violences conjugales non dénoncées auprès des autorités. Non pas que ce fléau soit dû uniquement à une certaine forme du syndrome de Stockholm dans lequel la femme serait considérée comme l'otage de son bourreau de mari, mais certains spécialistes affirment tout de même que ce cas de figure - la femme ne portant pas plainte par empathie pour le conjoint - s'est déjà présenté.

J'entends déjà les lecteurs grincheux de mon blog se plaindre du caractère "pas très fun" de ces premières lignes. Pas de panique, serais-je tenté de dire, "Julien n'aime rien" en arrive aux faits.

Au retour de mon escapade avec Jack Bauer (cfr article précédent), je me suis fait une inquiétante réflexion et mes plus fidèles lecteurs pourront sans mal appuyer les propos suivants. En effet, ces derniers temps, mon travail de journaliste de terrain m'a plus que de raison amené à subir une captivité plus (1 an et demi) ou moins (24h tout pile) longue. Et, étrangement, jamais je n'ai ressenti d'animosité voire de haine envers mes ravisseurs respectifs. Après tout, j'ai suivi Jack Bauer sans vraiment rechigner et j'ai failli signer un CDI auprès de Laurent Gbagbo et Oussama Ben Laden - CDI que je pleure encore aujourd'hui. Pire, je me suis presque attaché à la sympathique stupidité de l'agent secret américain et à la bonhomie de feu "l'homme le plus recherché de la planète".


Soudainement pris de panique car pensant souffrir d'un mal incurable, je googelise mes symptômes et là, Ô surprise, ce mal porte un nom, je vous le donne en mille: le syndrome de Stockholm. Honnêtement, jusqu'à ce jour, je prenais le syndrome de Stockholm pour une sorte de tourista causée par l'immonde nourriture suédoise. Comme quoi, même les esprits les plus vifs comme le mien peuvent parfois faire fausse route - un bien beau message d'espoir pour tous les cons!

Cela étant dit, mon enquête ne fait que débuter. Pour bien faire, j'aurais évidemment besoin du témoignage d'une victime de ce syndrome. Hélas, malgré mes dizaines de coup de fil - notamment à Natasha Kampush, la jeune allemande séquestrée pendant 8 ans mais qui avoue ne pas ressentir de colère envers son bourreau -, mes recherches ne mènent à rien. Ne connaissant pas la signification du mot "abandon", je décide finalement de joindre les deux otages les plus connus de France: Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. 547 jours enfermés dans les geôles des talibans. Qui sait? Des liens se sont peut-être noués entre ravisseurs et ravissés (ou dit-on ravissants?... Hum... Excellente question! Note pour plus tard: téléphonez à Bernard Pivot). 

PRISE DE CONTACT

C'est une voix apeurée qui me répond.
- Allo?
- Oui, bonjour Hervé, je...
- Vous êtes un terroriste? 
 - Non, non... Je repense au CDI mort-né d'Oussama. Enfin "snif" plus maintenant... Julien Rolland pour Julien n'aime rien.
- LE Julien n'aime rien?, me demande-t-il soudain enjoué.
- Lui-même!
- Je suis un grand fan!
Il va falloir m'expliquer! Tout le monde semble m'aimer et pourtant le nombre de mes membres plafonnent désespérément à 21! Monde injuste!
Je reprends mes esprits et explique à mon interlocuteur que je souhaite obtenir une interview de lui et de son compagnon d'infortune. Je tais volontairement le véritable objectif de cet entretien, à savoir le syndrome de Stockholm, afin de ne pas fausser leur témoignage. Nous convenons d'un lieu de rendez-vous (un café parisien) et d'une date (le lendemain). Je rassure une seconde fois Hervé sur ma nature "non-terroriste" et raccroche.

Ma fidèle 1007 en convalescence (encore merci, Jack!), c'est finalement le TGV qui me dépose le lendemain à la gare Montparnasse. Une gare qui, il faut bien l'avouer, se révèle nettement plus crade que dans Amélie Poulain. Cette triste constatation faite, je m'en vais sans plus tarder héler un taxi. Celui-ci me dépose 15 minutes plus tard devant le Café Parisien (original, dites-moi!). Je m'assois à une table relativement isolée, au fond de l'établissement. 11h55. Une fois n'est pas coutume, je suis en avance. En attendant Stéphane et Hervé, je commets l'erreur de commander un expresso, autrement dit une mini flaque visqueuse de 2cl dont le goût est, j'en mettrais ma main à couper, proche de celui d'un pétrole bas de gamme.
12h10. - Vous vous dites colombien et vous osez m'affirmer que votre café est bon!
- Si senior, délicieux!
- Et j'imagine que vous pensez sincèrement que le nom de votre café est original! 
- Si senior, très original! " Le Café Parisien" pour uno Café del Paris, c'est una idée del génie!
Juste avant que j'en passe aux mains avec Roberto le serveur, Hervé et Stephane font enfin leur entrée dans le café. Je regarde une dernière fois le serveur.
- Ça ira pour cette fois, gringo. Amène donc à moi et mes amis trois Perriers. 
- Tout dé suite, Senior. 
La première chose qui marque lorsqu'on découvre Hervé et Stéphane en chair et en os, c'est leur surprenante bonne mine. En effet, il est difficile à croire que ces deux gugusses ont subi un régime d'haricots rouges et de riz pendant un an et demi. Tout sourire, Hervé et Stéphane prennent place à la table que je leur désigne tandis que l'insolent Roberto nous dépose les trois Perriers. Stéphane est le premier à prendre la parole.
- Lorsque qu'Hervé m'a informé que le célèbre "Julien n'aime rien" voulait une interview de nous deux, j'ai sauté de  joie! 
Je réponds à sa flatterie par un modeste "pas étonnant" avant de commencer sans plus attendre l'interview. J'enclenche mon fameux dictaphone offert par la CIA et pose la première question.

Julien n'aime rien (JAR) - Afin de satisfaire mes lecteurs les plus ignares, pourriez-vous vous présenter? 
Hervé - Hervé Ghesquière, 48 ans, journaliste pour France 3. 
Stéphane - Stéphane Taponier, 49 ans, cameraman pour France 3. 
JAR - Expliquez-nous quel était le but de votre présence en Afghanistan. 
Hervé - Les vacances! 
Les deux amis se mettent à pouffer. Les médias ont beaucoup mis en avant la désinvolture et le sens de l'humour d'Hervé et de Stéphane... Je confirme. Non pas qu'ils sont drôles, mais que les médias racontent souvent des conneries. Remarquant mon manque de réceptivité à sa blague foireuse, Hervé reprend son sérieux.

Hervé - En fait, Nous menions depuis un mois une enquête sur la construction d'une importante route à deux pas de Kaboul. 
JAR - Expliquez-nous les circonstances de votre enlèvement au cours de cette fatidique journée du 30 décembre 2009. 
LE RÉCIT

Stéphane - Nous étions arrivés au terme de notre tournage. Une dernière mission et nous pouvions plier bagages. Avant de se lancer sur cette dangereuse route, nous avions tout prévu: un traducteur digne de confiance, nommé Reza, ainsi que deux conducteurs qui faisaient aussi office de guides et dont je ne prendrais pas la peine de nommer puisqu'ils n'ont qu'un petit rôle dans mon récit. Ces derniers nous conseillèrent de nous habiller à l'afghane histoire de passer inaperçus. Nous quittâmes Kaboul à 5h du matin à bord d'une Toyota blanche comme on en voit des centaines dans la région. Très vite, nous avons atteint le premier check-point de l'OTAN. Les soldats nous mirent en garde sur le danger de la vallée de la Kapisa contrôlée par les talibans.
Hervé - Sur ce, je répondis à ces mauviettes que j'avais couvert les conflits en ex-Yougoslavie, au Rwanda et en Irak et que ce ne sont pas trois ou quatre barbus armés de mitraillettes en mousse qui allaient me faire peur.
Stéphane - Refusant coûte que coûte de nous laisser passer, les soldats nous demandèrent alors de faire demi-tour. Dans l'impasse, Hervé eut une brillante idée. Il regarda derrière les soldats et hurla: "Ooh mon dieu, c'est Ben Laden, là-bas!". Pris de panique, les bidasses se retournèrent et firent feu sans même analyser la situation.
Hervé - Je ne suis pas très fier. J'appris à notre retour que ma diversion avait coûté la vie à deux chameaux et une chèvre.
Stéphane - Bref, nous profitâmes de ce moment de flottement bruyant pour passer le check-point en toute tranquillité. Nous nous retrouvâmes alors sur une route de bien mauvaise qualité. C'est alors que nous pûmes...
JNR - Non vraiment les gars, arrêtez avec le passé simple, c'est franchement moche.
Hervé - Très bien, l'ami, nous passons au présent de narration d'autant plus que cela donnera à notre récit un relief particulier en le rendant plus présent à l'esprit du lecteur. Vois-tu, ce qui est génial avec l'utilisation du présent de narration, c'est...
JNR - Tenez-vous en aux faits, par pitié!
Stéphane - Nous roulons à petite vitesse pendant approximativement 1h. Vers 11h, des types armés de kalachnikov font irruption sur la route et nous forcent à nous ranger. Reza baragouine dans un anglais approximatif: "Big, big problem".
Hervé - Je lui réponds: "Sans blague, Einstein" et étrangement personne se marre.
Stéphane - Nous sommes violemment traînés hors de la Toyota. Les deux guides sont emmenés ; plus jamais nous les reverrons. Après nous avoir dépouillés de nos passeports et de ma caméra, nous sommes à nouveau mis dans la voiture en compagnie de 13 talibans (dont un dans le coffre, 4 sur le toit et 2 tirés sur un skate derrière le véhicule). Fiers comme jamais de leurs prises, les talibans font le tour de plusieurs villages en criant: Michael Vendetta! Michael Vendetta!!, bizarrement leur seule référence française. Au cours des premiers mois de notre détention, nous sommes amenés à changer de lieu très régulièrement pour éviter d'attirer l'attention du voisinage.
JNR - Quelles étaient vos relations avec les talibans?

Hervé et Stéphane semblent surpris. Apparemment, aucun autre journaliste ne s'était véritablement arrêté sur cette question. Il faut savoir que pour le commun des mortels, il est totalement inconcevable qu'un sentiment autre que la haine puisse naître entre otage et ravisseur. C'est Hervé qui reprend la parole.

Hervé - Enfin une bonne question! Depuis que nous avons posé le pied sur le territoire du Camembert et des ronds points inutiles, on entend toujours les mêmes questions: Avez-vous eu peur de mourir? Où faisiez-vous pipi, caca? Décrivez-nous le repas type d'un otage de barbus? Les talibans se mangent-ils entre eux? Etc etc. Eh bien, sachez qu'à part une incompréhensible vénération pour Michael Vendetta, les talibans sont des gens comme les autres.
Mon intuition légendaire a encore fait des miracles. Je sens venir le syndrome de Stockholm à plein tube.

JNR - Pouvez-vous approfondir les relations que vous avez pu entretenir avec les talibans?
Stéphane - Les premiers jours de captivité ne sont pas joyeux, il faut bien l'avouer. On sent que nos ravisseurs sont quelque peu dépassés par les évènements. C'est finalement le 29 janvier 2010 que les choses vont commencer à s'améliorer.
Hervé - On vient me chercher et on m'emmène au sommet d'une montagne où passe le réseau téléphonique. On me tend un portable et c'est un homme des services secrets français qui se trouve au bout du fil. Il m'informe que les négociations ont démarré et que notre libération ne saurait tarder. La conversation terminée,  les talibans se félicitent de cette première victoire. On voit presque des dollars sortir de leurs yeux. Le lendemain, l'ambiance s'est considérablement apaisée. Les talibans organisent pour l'occasion un barbecue halal auquel nous ne sommes bien évidemment pas conviés. Pourtant, il se passe ce jour-là quelque chose de très surprenant.
Stéphane - (coupant Hervé) Tu es sûr que tu veux tout lui raconter?
Hervé - Qu'est ce que je risque? Son blog ne possède que 19 membres!
JNR - (Outré par ce manque d'exactitude) 21! 21 membres!
Hervé - Ah ben bravo, tu as réussi en ajouter 2 depuis ma dernière consultation! Juste par curiosité, peux-tu me dire qui sont ces intrépides lecteurs?
JNR - ... Hum... Le fils et la fille d'amis...
Hervé - Qui ont...?
JNR - Hum... 2 et 2 ans et demi
Hervé - ... Et par conséquent, ces deux lecteurs ne...?
JNR - ... Savent pas encore lire... Oui, bon ça va...
Hervé - (à Stéphane) Tu vois! Aucun risque! Eh puis mince, faut que ça sorte, nom de dieu!
Stéphane - (après une longue réflexion) Très bien, allons-y.

PREMIERS SYMPTÔMES

Je profite qu'Hervé et Stéphane se rincent le gosier de Perrier pour changer de style de narration, histoire de varier les plaisirs. Le verre vidé d'une traite, Stéphane évoque ce fameux jour du barbecue. Il faut savoir que depuis un mois, le quotidien des journalistes et de Reza, l'interprète, se résumait à une pièce insalubre d'à peine 10m² sans lit ni toilette et d'une douche toutes les deux semaines au mieux. Mais l'échange entre Hervé et l'agent de la DGSE semble avoir changé la donne. De la fenêtre, les trois prisonniers entendent une dizaine de talibans fêter le début des négociations. Soudain, une porte s'ouvre et ils aperçoivent l'un des ravisseurs apporter une généreuse assiette composée de juteux morceaux d'agneau. Il la dépose sur la seule table de la pièce et s'en va sans mot dire. Logiquement affamés, les trois otages se jettent sur cette inespérée corne d'abondance. Et ce rituel se reproduira tous les jours jusqu'à la libération.

Cette soudaine générosité n'empêche cependant pas l'ennui de se faire de plus en plus pesant. Pour remédier à cela, Stéphane tente de négocier une simple radio. Ce sont finalement un écran plat avec abonnement à 285 chaînes et une Wii qui sont installés dans la petite pièce. Pendant près de quatre mois, les otages partageront leur temps entre promenades quotidiennes de 2 à 4 heures, parties de Mario kart endiablées et bouffes royales. Sans surprise, ils prennent entre 4 et 8 kilos au cours de cette période.

Progressivement, les interactions entre otages et ravisseurs se font de plus en plus fréquentes. Un soir, me raconte Hervé, le taliban responsable de notre confort lui propose une partie d'un jeu bien connu. Reza joue le rôle du traducteur.
Taliban - وقلبي من رضاك مح ?
Reza - Porte-t-il une cravate verte?
Hervé - Non.
Reza - مح
Tap. 

Hervé - Porte-t-il une barbe ?
Reza - من رضاك ?
Taliban - من !

Reza - Non!
Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap
Taliban - من رضاك مح ?
Reza - Porte-t-il des lunettes à pois jaunes?
Hervé - Heu... Ben non!
Reza - Heu... Ben من !
Tap
Hervé - Porte-t-il une kalachnikov?
Reza - من رضاك ?
Taliban - من
Reza - Non
Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap-Tap
Hervé - Alors... Pas de barbe ni de kalachnikov... Je pense que c'est John, le seul occidental du Qui est-ce? taliban!
Taliban - وقلبي من رضاك مح !!
Reza - Bien joué, connard !!
Voilà une bien étrange captivité, loin, très loin même, de l'image que l'on peut se faire d'une telle situation. Je ne peux me résoudre à croire à un syndrome de Stockholm aussi aiguë. J'interroge donc les journalistes sur les moments les plus angoissants qu'ils ont pu vivre - car il doit bien en avoir au moins un! Hervé répond par l'affirmative et me raconte qu'un soir de février, alors qu'ils jouaient une partie de Cranium - jeu de société dans lequel trois équipes de deux doivent se faire deviner par le mime des personnages ou des situations -, un taliban s'est servi de Stéphane pour mimer : un terroriste décapite un infidèle. Exceptée cette décapitation simulée mais plus vraie que nature, jamais l'un des trois otages n'a craint pour sa vie.

Je n'en crois pas mes oreilles. Depuis leur retour, les médias nous bassinent à propos des conditions déplorables de la détention d'Hervé et de Stéphane. On a qualifié de héroïque leur résistance face à la menace d'une mort imminente. Et qu'entends-je aujourd'hui? Qu'ils ont en réalité vécu tels des pachas nourris, logés et blanchis. Ces interminables marches dans la nuit, ces cellules exposées au vent glacial et infestées par des rats et des serpents, tout ne serait donc que mensonge? "Pas tout, m'arrête Hervé, nous avons effectivement marché 1 heure en pleine nuit pour rejoindre la piscine chauffée d'un des talibans". Je ne prends même pas la peine de répondre. Stéphane tente de se justifier:



Stéphane - Officiellement, le gouvernement n'a versé aucune rançon. Mais Hervé et moi savons bien que c'est faux. Sarkozy était en manque de popularité. A l'instar de l'affaire Ingrid Beancourt, il savait qu'une libération des deux otages les plus médiatisés de France pouvait lui faire marquer des points à un an de 2012. C'est pourquoi il a ouvert le portefeuille et répondu aux revendications des talibans, à la grande surprise de ces derniers d'ailleurs.
JNR - Où voulez-vous en venir?
Stéphane - Crois-tu vraiment que le véritable récit de notre captivité aurait réjoui le gouvernement et l'opinion? De quoi aurait-on eu l'air? De deux pauvres types qui ont copiné avec l'ennemi en se goinfrant pendant un an et demi alors que toute la France se mobilisait, organisait des marches silencieuses, montait des concerts foireux avec Raphaël et Chimène Badi. Impossible. C'est pourquoi nous avons décidé de commun accord avec Hervé de réécrire l'histoire, de la rendre plus...disons... dramatique.

J'hésite entre être choqué par ma découverte, que l'on peut facilement considérée comme le plus grand mensonge à grande échelle depuis l'histoire bidon des armes de destructions massives irakiennes et l'excitation de tenir ici l'un des cas les plus significatifs du syndrome de Stockholm. Ma morale me fait d'abord pencher pour la première solution. Je commande une tequila à Roberto et l'avale cul-sec tel un cow-boy qui vient d'apprendre la mort de sa fidèle monture. Puis rapidement, le journaliste avide de scoop qui sommeille en moi donne un coup de pied dans les couilles de sa morale et reprend l'interview. 

LA LIBÉRATION

Je vous épargne la description des derniers mois de cette captivité 5 étoiles pour passer directement au 29 juin 2011. Ce jour-là, un taliban pénètre en pleure dans l'appartement de Stéphane et Hervé - car oui, les deux journalistes ainsi que Reza avaient depuis plusieurs mois élus domicile dans un magnifique duplex de 120m². Bref, ce taliban informe nos trois otages de luxe que le gouvernement français a versé la rançon et qu'il est donc dans l'obligation de les conduire dans une base militaire française située à Tagab, une petite villes afghane. Cette nouvelle fait l'effet d'une bombe dans la tête des trois otages. Reza tombe sur ses genoux et crie, les bras déployés, comme s'il était dans un mauvais drame américain. Hervé s'approche du taliban dépité et le serre dans ses bras. A l'évocation de cette scène, les yeux des deux journalistes se remplissent de larmes. "J'ai rarement ressenti une telle émotion", ajoute Hervé. 



Stéphane - Le lendemain, celui que l'on peut considérer comme le chef des talibans organise une ultime fête dans sa villa. Tous les talibans que nous avons côtoyés au long de notre séjour ont tenu à faire acte de présence. Alors que nous mangeons, buvons et discutons avec nos amis, le chef dépose devant nous 7 valises bourrées de billets de 100 dollars. "Voici la rançon, nous informe-t-il. 7 000 000 de dollars américains." Accompagné de deux autres talibans, il empoigne les valises, se dirige à l'extérieur de la villa et jette l'entièreté de la rançon dans un énorme brasier allumé quelques minutes plus tôt. Le chef se retourne vers Hervé, Reza et moi et, la barbe tremblante, nous dit: "Votre amitié n'a pas de prix. Vous allez beaucoup nous manquer"
Hervé - 24 heures plus tard, nous nous retrouvons à boire une coupe de champagne en compagnie du général en chef des forces armées française pour "fêter" notre libération. 
JNR - Qu'est devenu Reza? 
Hervé - Il ne lui a pas fallu plus de 10 minutes pour décider de s'installer définitivement auprès de nos ravisseurs. En janvier dernier, il a fait la rencontre de la soeur d'un taliban et en est tombé instantanément amoureux. Je me souviens encore. "Ces yeux! Ah, ces yeux!", ne cessait-il de dire. Alors évidemment, curieux comme je le suis, je voulais en savoir plus. Le problème, c'est qu'il n'avait jamais vu autre chose que ses yeux... 
Stéphane - Elle portait la burqua. 
JNR - Oui, merci, j'avais compris l'allusion... Et donc, depuis votre libération, vous bernez tout le monde avec vos histoires de captivité inhumaine. 
Hervé - Avait-on le choix? 
JNR - J'imagine que non...
Stéphane - Voilà, tu connais toute la vérité. 
JNR - Dernière question: quels sont vos projets pour les prochaines semaines à tous les deux? 
Hervé - Je prépare une enquête sur la vie des chiens errants dans la vallée de la Kapisa. Stéphane et moi partons dans une semaine pour l'Afghanistan. 
JNR - Ça m'aurait étonné...


J’éteins mon dictaphone, remercie Hervé et Stéphane pour leur honnêteté et quitte la capitale française à bord du TGV de 19h12. Trois jours plus tard, mon article terminé et après mûres réflexions, je téléphone à Hervé pour proposer mon aide sur ce reportage concernant les chiens errants de la vallée de la Kapisa. "Avec plaisir, l'ami! Plus on est de fous...". 


C'était Julien Rolland pour un "Julien n'aime rien" qui souhaite approfondir la question du syndrome de Stockholm sur le terrain. Rien que pour vous, mes fidèles 21 lecteurs. 


Deux semaines plus tard


Laurent Delahousse  - Nous venons d'apprendre qu'Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier ainsi qu'un troisième obscur journaliste viennent de se faire enlever par un groupe de talibans. Ces derniers refusent toute négociation......

5 commentaires:

  1. Salut l'enflure Ju n'aime rien, vu que moi jt'aime bien, jt'ai référéncé sur mon bleug ;-)

    A + l'enflure

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  2. je me rejouis de lire la suite des aventures de JAR... ou devrais-je dire JNR?!?

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  3. je ne suis pas sure que herve et stephane apprecient ta version des faits.....yoda

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  4. c'est fou comme j'aime que vous n'aimiez rien.

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